Ému par les scènes de désolation qu’il a pu observer la veille, Alain-Claude Bilie-By-Nze, dont la dernière conférence de presse remontait au 30 avril dernier, a exprimé son indignation. Il a rappelé son intention initiale de laisser la nouvelle équipe gouvernementale prendre ses marques, mais a estimé que la gravité de la situation actuelle exigeait qu’il prenne la parole. “Au regard de la gravité de certaines décisions et de certaines situations que vivent les populations gabonaises, j’ai fait le choix de rompre le silence pour faire entendre ma voix”, a-t-il déclaré, ajoutant qu’il était “temps de parler avec clarté, avec gravité, avec responsabilité.”
Une “séquence politique inédite” et des vies brisées
L’ancien chef du gouvernement a décrit le Gabon comme traversant une “séquence politique inédite” où les espoirs nés de la transition risquent de céder la place aux désillusions si la population et les acteurs politiques ne restent pas vigilants. Il a insisté sur le fait qu’il ne s’agissait plus d’un simple ajustement de régime, mais de déterminer “quelle République nous voulons bâtir”.
Évoquant directement les déguerpissements, Alain-Claude Bilie-By-Nze a dénoncé une “détresse sans nom, une détresse jamais connue de manière délibérée dans notre pays”. Il a souligné que derrière chaque maison détruite, ce sont des “vies brisées que l’on ne reconstruira pas”. Il a remis en question la légitimité de ces actions en 2025, qui ont jeté des centaines de familles à la rue, non pas suite à une catastrophe naturelle, mais par une décision étatique au prétexte d’un projet de cité administrative.
Absence de notification et de justice sociale
L’ancien Premier ministre a mis en lumière plusieurs irrégularités relevées sur le terrain, notamment l’absence de notification préalable pour la plupart des personnes déguerpies et l’absence d’enquête sociale. Il a rappelé que l’État, qui n’a pas été capable d’offrir des terrains viabilisés aux populations depuis 60 ans, ne pouvait pas exiger un titre foncier alors que plus de 80% des habitations à Libreville en sont dépourvues.
Fort de son expérience gouvernementale, Alain-Claude Bilie-By-Nze a insisté sur le fait que tout projet financé par un bailleur institutionnel exige une enquête sociale préalable et le règlement des indemnisations avant le début des travaux. Il a cité des exemples concrets de projets menés sous ses responsabilités où ces procédures ont été respectées, tels que la voie de contournement ou l’élargissement de la route entre PK5 et PK12. “Comment est-ce possible que l’État qui sait faire agisse avec cet aveuglement délibéré et mette à la rue des milliers de personnes ?”, s’est-il interrogé, promettant que son équipe et lui prendraient des avocats et se tiendraient “aux côtés des populations face à un État brutal et aveugle.”
Appel à la sagesse et à la cessation des opérations
S’adressant directement aux responsables de l’État, il a lancé un appel non pas en tant qu’adversaire, mais en tant que citoyen lucide. Il a cité une sagesse orientale : “Ne porte pas la hache sur le tronc de l’arbre sous lequel tu t’es abrité durant l’orage.” Il a qualifié les actions actuelles de “visage de la brutalité” qui apparaît après la légitimation du pouvoir, invitant le gouvernement à “reculer” et à trouver une “solution la plus adaptée pour les populations déjà impactées”.
“On peut bâtir sans détruire des vies. On peut réorganiser sans humilier. On peut assainir sans déshumaniser”, a-t-il martelé, demandant l’arrêt immédiat de l’opération et la mise en place de logements temporaires pour les sinistrés, le temps d’un véritable recensement. Il a également rejeté l’idée que le président de la République n’ait pas été au courant de ces opérations. Il a également rejeté l’idée que le président de la République, Oligui Nguema n’ait pas été au courant de ces opérations : “Je refuse ce qu’ils disent que le président n’était pas au courant. Il est le chef du gouvernement, une telle opération ne peut pas avoir été organisée à son insu. Et si tel est le cas, il n’a pas à être Président. Si dans ton pays, dans ta capitale, on peut détruire ça, sans que tu ne sois au courant, c’est que tu ne mérites pas d’être président. Et si tu méritais d’être président, tu ne peux pas laisser faire ça, c’est ce que je dis.”
« La loi sans la justice conduit à la barbarie »
Enfin, Alain-Claude Bilie-By-Nze s’est adressé à ceux qui défendent les déguerpissements au nom de la loi, les invitant à se souvenir que “la loi sans la justice conduit à la barbarie, à l’injustice.” Il les a mis en garde : “le feu qui enflamme la case du voisin peut aussi brûler ta propre case.” Il a conclu en affirmant qu’un pays ne se construit pas par le silence imposé ni par la brutalité, mais “dans l’écoute, la bienveillance et la justice.”