Le constat est cinglant : en 2025, le Gabon n’est pas parvenu à s’extirper de la zone rouge de la criminalité financière. Selon le Basel AML Index, le pays reste une terre de prédilection pour le blanchiment de capitaux et les crimes connexes. Le Gabon occupe désormais la 4ème place des pays les plus vulnérables en Afrique et, plus inquiétant encore, se hisse au 8ème rang mondial des nations les plus exposées à ce risque. Ce classement, qui s’appuie sur 17 indicateurs rigoureux incluant le GAFI, Transparency International et la Banque mondiale, met à nu les carences d’un système où l’argent sale circule encore avec une trop grande fluidité.
Un cadre réglementaire de façade ?
Si le Gabon s’est doté d’un arsenal juridique conforme aux standards internationaux, c’est sur le terrain de l’application que le bât blesse. Jusqu’à présent, les textes n’ont pas suffi à freiner les flux illicites. Ce décalage entre la loi et la pratique nourrit une culture de l’impunité, d’autant plus que le Gabon est devancé dans ce triste palmarès par ses voisins directs, la République démocratique du Congo (3ème mondial), le Tchad (4ème mondial) et la Guinée équatoriale (5ème mondial), confirmant que l’Afrique centrale demeure l’une des zones les plus à risque au monde.
L’analyse souligne que le secteur extractif — pétrole et bois en tête — demeure le principal moteur de cette opacité. Les revenus issus de ces ressources sont souvent détournés avant d’être réinjectés dans l’économie légale via des circuits immobiliers ou des prête-noms, transformant le pays en un terrain de jeu pour les réseaux de corruption.
La réforme de l’ANIF : l’aveu d’un échec passé
Signe que l’alerte est prise au sérieux au sommet de l’État, le Conseil des ministres du 18 décembre 2025 a adopté un projet de décret réorganisant l’Agence nationale d’investigation financière (ANIF). Cette décision sonne comme un aveu : l’ancienne architecture de l’ANIF n’était plus adaptée, ou n’avait pas les coudées assez franches pour traquer efficacement les délinquants en col blanc. En musclant son organe de renseignement financier, le gouvernement tente de prouver aux partenaires internationaux que le statut de mauvais élève est en passe d’être révoqué. Mais cette mue institutionnelle suffira-t-elle à convaincre alors que le manque de transparence de l’action publique reste un point noir du rapport ?
Les conséquences d’un mauvais classement
Ce titre de mauvais élève n’est pas qu’une simple égratignure à l’ego national ; c’est un frein majeur au développement. Une exposition élevée au blanchiment entraîne le retrait des banques internationales par un phénomène de de-risking, ce qui complexifie les transactions pour les entreprises locales. Cela constitue également un frein aux investissements directs étrangers, les investisseurs sérieux fuyant les juridictions à risque, tout en provoquant un surcoût des emprunts sur les marchés internationaux.
L’heure des comptes
En 2026, le Gabon sera à la croisée des chemins. La réorganisation de l’ANIF doit impérativement s’accompagner d’une volonté politique réelle de poursuivre les bénéficiaires effectifs des détournements, quels que soient leurs rangs. Pour ne plus être parmi les mauvais élèves de l’Afrique centrale, le Gabon doit transformer ses annonces en condamnations et ses décrets en résultats palpables. La crédibilité financière du pays est à ce prix.










