Si le recours au secteur privé, notamment les plus grands importateurs du pays en raison de leur maîtrise de la chaîne logistique et des coûts, est censé injecter de l’efficacité, cette majorité privée dans une entité essentielle à la gestion des fonds publics soulève de sérieuses questions de gouvernance.
Le silence sur l’identité des actionnaires
La question centrale est : Qui sont ces actionnaires et comment ont-ils acquis cette position stratégique ?
L’identité des opérateurs nationaux détenant les 63 % du capital doit être rendue publique pour des raisons de transparence. Il est impératif de connaître non seulement les raisons sociales exactes de ces entreprises (qu’il s’agisse de groupes comme Ceca, Supergros ou autres), mais surtout les actionnaires finaux (personnes physiques) qui les contrôlent. Cette clarification est essentielle pour écarter tout risque susceptible d’entacher l’impartialité des décisions d’achat et l’intégrité du processus de passation de marchés.
De plus, le processus par lequel ces partenaires privés ont été choisis pour détenir la majorité de la CEAG doit être éclairci. Il est crucial de savoir si leur sélection a découlé d’un appel d’offres transparent et compétitif, respectant le Code des marchés publics, ou si elle a été le fruit d’une simple désignation discrétionnaire. À ce jour, aucun document officiel détaillant la méthodologie de sélection n’a été publié.
Le risque de conflit d’intérêts institutionnel
Enfin, la présence majoritaire de distributeurs au capital d’une centrale d’achat crée un risque intrinsèque et majeur de conflit d’intérêts.
Des mécanismes stricts doivent impérativement être mis en place pour empêcher les actionnaires de la CEAG de se positionner comme ses propres fournisseurs. Cette situation pourrait permettre à ces acteurs de contrôler à la fois la demande (via la centrale) et une partie de l’offre (via leurs structures d’importation), faussant potentiellement la concurrence au détriment du consommateur.
Il est urgent de savoir si l’État, malgré sa position d’actionnaire minoritaire, dispose de droits de veto ou de pouvoirs de contrôle suffisants pour garantir que l’intérêt public, la qualité et les prix compétitifs priment toujours sur les intérêts de rentabilité privée.
La crédibilité des économies et des résultats contre la vie chère annoncées par Henri-Claude Oyima et le succès de la CEAG reposent directement sur la capacité du gouvernement à garantir une transparence totale sur l’identité et le mode de sélection de ses actionnaires privés. Sans cette clarté, la CEAG restera perçue comme un instrument aux mains des distributeurs plutôt que comme un outil au service du pouvoir d’achat des Gabonais.