Le « bourbier fiscal » face à la précarité
Pour Alain-Claude Bilie-By-Nze, cette taxe s’inscrit dans une logique de « matraquage fiscal » et d’« offensive fiscale » contre les populations, déjà confrontées à la taxe carbone et à d’autres contributions sur les communications et télécommunications. Il pointe du doigt le manque d’orientation et de cap du gouvernement, qui préfère, selon lui, s’attaquer aux ménages plutôt qu’aux problèmes structurels de l’économie.
« C’est un bourbier fiscal. Lorsqu’on additionne toutes ces taxes, on se demande comment les ménages vont faire pour s’en sortir », a-t-il déclaré, critiquant le terme « bouclier fiscal » utilisé par certains.
S’appuyant sur un rapport de la Banque mondiale de 2024, il a rappelé que plus d’un tiers des Gabonais vivent sous le seuil de pauvreté et que le taux de chômage des jeunes dépasse les 50 %. Dans ce contexte social explosif, taxer le bien nécessaire qu’est l’électricité, sur lequel est assise cette nouvelle taxe, relève de l’« indécence ». Ces taxes sont, selon lui, imposées « quand on ne sait plus gouverner ».
Une injustice criante
L’ancien Premier ministre a soulevé l’inégalité flagrante dans l’application de la taxe. Il a illustré le manque de logique en comparant sa propre situation à celle de son veilleur de nuit, tous deux susceptibles de payer le même montant de 20 000 francs à Angondje. De même, il a noté l’absurdité qu’un instituteur vivant à Glace et le Président de la République paient le même montant dans la même zone.
« Est-ce que c’est logique ? […] Le Président de la République a une résidence à Glace… l’instituteur qui vit à Glace paiera aussi 20 000. Est-ce que c’est logique ? »
M. Bilie-By-Nze a insisté sur le fait que l’instauration d’une taxe d’habitation n’est légitime que si elle est précédée d’une organisation du foncier, de l’urbanisation, et surtout de l’offre de services publics adéquats tels que des écoles, des hôpitaux, des crèches ou des commissariats dans les zones concernées. Faute de ces services, la taxe est perçue comme un abus. Il a rappelé que son gouvernement à l’époque n’avait pas récupéré cet impôt précisément parce que l’organisation du foncier manquait.
L’appel à l’union sacrée contre la taxe
Face à cette « taxe d’habitation inique, injuste, et qu’il faut refuser », Alain-Claude Bilie-By-Nze a lancé un appel ferme à un front uni contre cette mesure. Il exhorte les forces d’opposition, les syndicats (travailleurs du public comme du privé) et la société civile à se retrouver pour examiner les moyens de lutter contre cette taxe qui va « fragiliser les ménages », dont les pensions et salaires n’ont pas été revalorisés depuis 2015, sous l’ère Ali Bongo.
Il a appelé le gouvernement à éviter de frapper le portefeuille des populations fragiles et à s’attaquer aux vrais problèmes. Il a suggéré que les ressources nécessaires pourraient être trouvées en luttant contre la corruption endémique et le gaspillage de fonds publics. Il a cité l’argent payé par l’État pour des baux administratifs non occupés et l’argent détourné via les marchés publics de gré à gré passés sans appels d’offres. De même, la vérification des déclarations dans l’industrie extractive (pétrole, manganèse) jugées déclaratives et non vérifiées par les douanes est une piste.
Enfin, il a appelé le Président à réduire le train de vie de l’État et son propre niveau de vie, notamment en réduisant les 176 milliards alloués aux fonds politiques ou en évitant certains voyages à l’étranger, ce qui compenserait largement les 2,8 milliards attendus de la taxe. Il a également critiqué le fait d’avoir augmenté le nombre de sénateurs et leur salaire au lieu de supprimer les institutions inutiles comme son parti l’avait proposé en campagne.










