L’avis de Fitch sur le Gabon relance la critique récurrente concernant l’influence disproportionnée des agences de notation occidentales sur les économies africaines. Interrogé sur la chaîne TV5 Monde, l’économiste ivoirien Stanislas Zézé, fondateur de Bloomfield Investment Corporation (une des rares agences de notation africaines reconnues), a soulevé une problématique centrale : pourquoi les pays africains, souvent avec des niveaux d’endettement similaires à ceux des pays européens ou asiatiques, se voient-ils appliquer des taux d’intérêt deux à trois fois plus élevés ?
Selon Zézé, le cœur du problème réside dans la méthodologie d’évaluation. Les agences internationales évaluent la qualité de crédit — la capacité et la volonté d’une entité à faire face à ses obligations financières — sur la base du dollar.
“Ils vont présumer que toutes les entités du monde empruntent en dollars et remboursent en dollars,” a expliqué l’économiste.
Le piège de la notation en devises étrangères
Cette approche désavantage structurellement les nations africaines. Leur économie, souvent axée sur l’exportation de matières premières et l’importation de produits finis coûteux, génère des réserves de devises faibles. Dans cette configuration, la performance économique intrinsèque du pays est masquée, car la notation reste constamment tirée vers le bas.
C’est pour corriger cette logique que Bloomfield a été créée, offrant une notation en monnaie locale. Cette méthode permet d’établir la qualité de crédit intrinsèque des pays dans leur propre monnaie.
“Vous pouvez être riche en CFA et pauvre en dollars. Ça ne fait pas de vous quelqu’un de pauvre,” a-t-il affirmé.
Les notes en monnaie locale se révèlent ainsi plus élevées que celles en devises étrangères. Avoir les deux notations permettrait aux investisseurs de mieux apprécier la résilience réelle des économies africaines, en reconnaissant leur capacité à générer des flux financiers dans leur monnaie, tout en examinant la politique de transfert des devises pour évaluer la flexibilité de remboursement.
L’expert conclut qu’il est illusoire d’espérer un changement dans l’approche des agences internationales. Tant que les pays africains se tourneront vers les marchés internationaux pour leur financement, ils resteront confrontés à la logique de la notation en devises étrangères. L’enjeu majeur est désormais de faire accepter les deux notes pour obtenir un coût d’emprunt plus juste.