Le 7 mars 2024, affaibli, isolé, mais encore président statutaire du Parti démocratique gabonais, Ali Bongo reçoit dans sa résidence de la Sablière une poignée de cadres triés sur le volet, notamment Angélique Ngoma, André Dieudonné Berre, Jean-Pierre Oyiba, Luc Oyoubi, ou encore l’ancien Premier ministre Alain-Claude Bilie-By-Nze, l’un des rares à ne pas avoir tourné casaque après le 30 août 2023. Officiellement, il s’agit de discuter de la gestion du parti, désormais orphelin de son pouvoir d’État.
Ce jour-là, selon les confidences rapportées ce mardi 13 mai par Ali Akbar Onanga Y’Obegue, secrétaire général du PDG resté loyal à Ali Bongo, le président déchu s’adresse à ses camarades avec lucidité :
« Je suis affaibli. Je ne peux plus assurer la direction exécutive du parti. Mais je reste président. Je désigne Bilie-By-Nze vice-président exécutif, Eloi Nzondo secrétaire général. Revenez avec une équipe complète, et j’entérinerai. »
Mais rien ne se passera comme prévu.
Une audience secrète… chez Oligui
Au lieu de retourner au siège du parti pour appliquer les instructions, une majorité de la délégation se détourne, à l’exception de Bilie-By-Nze. Direction : le Palais Rénovation. Chez Brice Clotaire Oligui Nguema. Là, dans le huis clos d’un bureau, un autre scénario s’écrit.
Selon Onanga Y’Obegue, le chef de la transition n’y va pas par quatre chemins :
« Tout ça, je n’en veux pas. Le vice-président ? Ce sera Paul Biyoghé Mba. Deuxième vice-président : Bilie-By-Nze. »
Et donc, Oligui leur a dit :
« Notez, allez-y lire à Louis. »
La suite ressemble à une purge. Patience Dabany, mère d’Ali Bongo, est exclue, en même temps que le président du parti lui-même radié. Sans congrès. Sans signature. Sans procédure. Un ordre politique pur et dur.
« Moi, j’ai fait un coup d’État, c’est moi qui dirige le pays », aurait lancé Oligui, selon le témoignage d’Onanga Y’Obegue.
Le secrétaire général intérimaire, Luc Oyoubi, se voit alors remettre un texte déjà rédigé. Il doit le lire. Et l’assumer.
« Où est la signature ? Vous pensez que c’est Ali Bongo ? Non ! », s’insurge Onanga Y’Obegue.
Guerre froide au PDG
Le parti, autrefois machine électorale implacable, est aujourd’hui le théâtre d’un affrontement feutré entre fidélité et allégeance opportuniste.
Les statuts, eux, sont clairs : le président du parti est celui qui convoque le congrès, nomme les responsables, entérine les décisions. Aucun de ces actes n’a été respecté, arguent les pro-Bongo.
« Juridiquement, Ali Bongo est toujours président du PDG. Il peut déléguer, mais personne ne peut le remplacer sans un congrès », martèle Onanga Y’Obegue.
Alors que le PDG se trouve aujourd’hui divisé en deux factions – l’une fidèle à Ali Bongo, l’autre alignée sur le nouveau pouvoir –, la lutte politique se déplace désormais sur le terrain judiciaire et symbolique. Un ancien chef d’État déchu, ses fidèles déterminés à garder la main sur ce qu’il considère comme leur dernier bastion.
La guerre de succession au sein du PDG n’a peut-être fait que commencer. Et dans cette guerre froide, une chose est certaine : le PDG d’après-Bongo n’est déjà plus le PDG de Bongo