Ce procès, qui s’est achevé ce mardi 18 novembre par de lourdes condamnations et des réparations civiles se chiffrant en milliards de FCFA, est aussi un jugement par contumace. Il vise, par ricochet, d’autres anciens proches collaborateurs du président déchu aujourd’hui hors du pays, notamment l’ex-tout-puissant directeur de cabinet, le Béninois Maixent Accrombessi.
La lignée de la prédation : Des “Accrombessiboys” à la “Young Team”
Avant la Young Team et les “Blaboys” de Brice Laccruche Alihanga, il y eut les “Accrombessiboys”. Cette généalogie de la corruption met en lumière l’ombre d’une figure centrale : Maixent Accrombessi, celui qui a exercé une influence sans égale sur le Gabon.
Ce Béninois a détenu le poste de directeur de cabinet d’Ali Bongo pendant son premier mandat et le début du second. Victime d’un AVC à la veille de la campagne présidentielle de 2016, il a été la figure centrale du pouvoir, celui qui a fait la pluie et le beau temps en tenant pratiquement tous les leviers administratifs et financiers de l’État.
Honni par l’intelligentsia, l’opposition et la société civile de l’époque, il était régulièrement accusé de piller les caisses de l’État et épinglé par des soupçons de détournements, et de pratiquer le vaudou sur le président de la République, ce qui lui valant le surnom de “Raspoutine” d’Ali Bongo.
L’échelle du vol : Quand les milliards renvoient à la “Tractopelle”
Le procès de la Young Team est d’autant plus évocateur que les sommes établies par la justice (les milliards de FCFA de réparations) renvoient à l’ampleur des soupçons passés. Si la Young Team a été condamnée pour avoir siphonné des milliards de FCFA à la fin du régime, la question demeure : combien Maixent Accrombessi et son cercle ont-ils pu soustraire des caisses de l’État durant son règne, lorsque l’accusation populaire parlait de vol “à la tractopelle” ? L’étendue de son pouvoir laissait présager des détournements potentiels atteignant des montants bien supérieurs, notamment à travers les grandes affaires et l’acquisition d’un patrimoine international immense.
L’intouchable et la chute
L’immense richesse d’Accrombessi, simple agent immobilier en France avant de devenir l’homme clé du système, s’est construite au milieu des scandales.
En 2015, son arrestation à l’aéroport de Roissy, suivi de plusieurs heures de garde à vue à Paris pour des faits présumés de corruption d’agent public étranger et de blanchiment, avait été écourtée par l’invocation de son immunité diplomatique par les autorités gabonaises. On se souvient aussi de l’épisode honteux de 2011, l’affaire de l’avion présidentiel arrêté à Cotonou avec à son bord des officiels, de la drogue et des prostituées.
Malgré ces signaux, il est resté intouchable. Même après son AVC, son ombre a continué de planer sur les affaires, au gré de ses allers-retours entre le Bénin et le Gabon. Ce n’est qu’après le coup d’État du 30 août 2023 qu’il a été radié de la franc-maçonnerie, La Grande Loge du Gabon, marquant sa rupture définitive avec le pays où il n’a plus remis les pieds.
Un jugement pour l’histoire
S’il n’est plus au Gabon pour répondre des soupçons d’enrichissement illicite dont il est accusé, le procès contre la Young Team est aussi un procès contre cet ancien proche collaborateur du président déchu. Même s’il reste des zones d’ombre et des interrogations sur ce qui a été révélé, ce jugement porte la lourde symbolique d’un tribunal post-régime.
Il est la preuve que, même lorsque l’on échappe à la justice des hommes, le verdict de l’histoire est inéluctable, tranchant entre l’oubli infamant des poubelles de l’histoire et le panthéon. Pour beaucoup, Accrombessi, par son absence et son passé, est d’ores et déjà un condamné du tribunal historique.










