Deux ans après son arrestation au lendemain du coup d’État du 30 août 2023, s’est tenu au Palais de justice de Libreville, vendredi dernier, le procès de l’ancien ministre des Travaux publics Léon Armel Bounda Balonzi. Au cœur des débats se trouvait la gestion des deniers publics ainsi que les procédures de passation de marchés sous le magistère de l’ancien ministre. Ce dernier, comparaissant aux côtés de son coaccusé Abdel Moussavou, directeur général de la société ZEN B.T.P., doit répondre de chefs d’accusation graves incluant le blanchiment de capitaux, la violation des procédures d’octroi de marchés publics et l’association de malfaiteurs. Ce procès constitue l’aboutissement d’une procédure entamée dès les premières heures de la Transition, puisque l’ancien membre du gouvernement avait été arrêté une semaine seulement après le coup d’État du 30 août 2023.
Le scandale du marché de Potos : 3 milliards contre 900 millions
Le point de friction majeur de l’audience concerne la réhabilitation du marché de Potos, à Franceville. Le tribunal a révélé une anomalie frappante dans le choix du prestataire avec un marché attribué à la société ZEN B.T.P. pour un montant de trois milliards de francs CFA. Cette décision interpelle d’autant plus que l’entreprise SOCOBA, leader reconnu du secteur, avait soumis une offre nettement inférieure s’élevant à 900 millions de francs CFA. Pour justifier ce surcoût, l’ancien ministre a argué de l’expérience de ZEN B.T.P., un argument toutefois balayé par le juge qui a précisé que ladite société n’était même pas répertoriée dans les fichiers de l’État au moment des faits.
L’ombre de Ian Ngoulou et le système de « redevabilité »
L’audience a pris une tournure politique majeure lorsque le juge a confronté l’accusé à ses déclarations préliminaires. Selon le procès-verbal, Monsieur Bounda Balonzi aurait agi sous les instructions de Ian Ngoulou, alors conseiller influent à la Présidence. Face à la barre, l’ex-ministre a admis être redevable envers Monsieur Ngoulou, affirmant que ce dernier était à l’origine de sa nomination au gouvernement. Le Ministère public s’est alors interrogé sur la légitimité d’un conseiller à s’immiscer dans la passation des marchés publics, alors que l’enquête révèle que l’ex-ministre aurait lui-même imposé ZEN B.T.P. à ses services techniques en violation flagrante du Code des marchés publics.
Un train de vie sous le microscope de la justice
Le volet relatif au blanchiment de capitaux a également été passé au crible. Interrogé sur son train de vie et l’acquisition d’une villa à Fougamou, l’accusé a révélé percevoir un salaire trimestriel de 45 millions de francs CFA, tout en évoquant des aides familiales pour justifier son patrimoine. Parallèlement, Abdel Moussavou a reconnu avoir perçu plus de deux milliards de francs CFA pour les travaux sans avoir fourni de caution bancaire, manquant ainsi aux obligations légales prévues par la réglementation en vigueur.
Des réquisitions sévères avant le délibéré
Dans ses réquisitions, le Ministère public s’est montré particulièrement ferme en réclamant une peine de quatre ans d’emprisonnement ferme, une amende de 110 millions de francs CFA ainsi que la confiscation de tous les biens de l’ex-ministre. De son côté, l’Agence judiciaire de l’État a sollicité le remboursement d’une somme globale dépassant les deux milliards et demi de francs CFA. La défense a tenté de démontrer l’incompétence du tribunal en soulignant que les travaux étaient presque intégralement réalisés et que la responsabilité financière incombait techniquement au Trésorier général. Le tribunal a mis l’affaire en délibéré et rendra son verdict le 9 janvier 2026.










