Le mur des défis logistiques et énergétiques
L’engagement du Gabon à transformer la totalité, ou une part significative, de sa production de manganèse, aujourd’hui majoritairement exploitée par la Comilog (filiale d’Eramet), se heurte à des réalités industrielles considérables.
D’abord, les capacités de transformation actuelles doivent être massivement augmentées. Le groupe Eramet s’est engagé à atteindre 2 millions de tonnes transformées d’ici 2029. Pour y parvenir, il faudrait à la fois agrandir le complexe métallurgique de Moanda – déjà exploité au maximum de ses capacités – et réorganiser toute la chaîne de transport. L’extraction et le transport ferroviaire des minerais jusqu’au port d’Owendo, gérés par la Setrag (une autre filiale), nécessitent des investissements et une réorganisation profonde.
Mais le défi le plus coûteux et le plus critique est celui de l’énergie. Le fonctionnement du nouveau complexe industriel nécessiterait une alimentation électrique colossale. La capacité du Gabon à fournir cette énergie fiable et durable en quantité suffisante représente un obstacle technique majeur qui pourrait à lui seul justifier un report de l’échéance.
Un horizon politique brouillé par les interférences
Au-delà des questions techniques, les négociations entre l’État et Eramet sont entravées par une forte instabilité politique dans le processus décisionnel, ce qui ralentit la planification nécessaire à de tels investissements.
Le dossier est parasité par l’intervention de la “task force” sur l’apurement de la dette, dirigée par le conseiller présidentiel Pierre Duro. Ce dernier, fort d’une lettre de mission signée par le chef de l’État, tente d’imposer un objectif de transformation locale allant jusqu’à 6 millions de tonnes, une cible jugée irréaliste et inatteignable par Eramet.
Ces luttes d’influence créent une confusion qui a été relevée au plus haut niveau. Lors de sa visite, le président français Emmanuel Macron a directement alerté le président Brice Clotaire Oligui Nguema sur l’influence de certains membres de son entourage, craignant que ces interférences n’empêchent la conclusion d’un accord clair et ne conduisent à un blocage. La volonté de Pierre Duro de relancer un contentieux fiscal pourtant réglé ajoute une couche de pression et d’incertitude sur l’environnement d’affaires.
Le facteur temps : des investissements contraints et des acteurs clés
Pour atteindre l’objectif de 2 millions de tonnes, Eramet a mis en place un groupe de travail et nommé des responsables dédiés à la transformation. Cependant, les projets d’investissement majeurs dans l’énergie, l’agrandissement des usines et les infrastructures ferroviaires exigent des années de planification et de mise en œuvre.
Les turbulences politiques et le manque de clarté sur l’objectif final – 2 millions de tonnes négociées ou 6 millions de tonnes exigées par la task force – rendent difficile l’engagement des capitaux nécessaires. Le risque est exacerbé par la présence d’acteurs non gouvernementaux gravitant autour du pouvoir. Le communicant parisien Robert Zarader, dont l’agence est intervenue au Gabon, ainsi que l’avocat français Jean-François Meyer, conseiller historique de l’État gabonais sous Omar Bongo, figurent également sur la lettre de mission relative à ces questions extractives. Sans une feuille de route stable et un accord politique fort entre l’État et Eramet, qui parvienne à neutraliser ces influences croisées, les travaux ne pourront être menés à terme.
L’échéance de 2029, bien qu’étant une affirmation légitime de la souveraineté économique gabonaise, pourrait alors s’avérer irréalisable dans les délais impartis, forçant le gouvernement à accorder un report.










