Un contentieux syndical à l’origine de l’imbroglio
L’affaire prend sa source dans un conflit social remontant à 2016. Une grève à la Moundélé Moone Maritime Agency (3MA), soutenue par le SAP, avait abouti à un accord de conciliation accordant aux employés 395 millions de francs CFA. Bien que ce droit ait été confirmé par le Tribunal de Port-Gentil en 2020, la Cour d’appel a par la suite renversé ce jugement, une décision rendue possible, selon les informations disponibles, par la disparition de documents cruciaux du dossier.
L’extorsion présumée au B2
C’est en septembre 2023 que l’ancien syndicaliste est convoqué à la direction générale des contre-ingérences et de la sécurité militaire (DGCISM, ou B2), sous instruction de l’ancienne procureure générale, Edith Christiane Mvou Loubamono, pour « non-exécution d’une décision de justice ».
Ce qui aurait dû être une simple audition se serait transformé en une garde à vue humiliante. Selon le récit, un officier aurait réclamé à Yenou la somme exorbitante de 150 millions de francs CFA. Bien que la procédure ait finalement été classée sans suite, Yenou, contraint, parvient à réunir 100 millions de francs CFA et reçoit même un reçu officiel du B2. Peu après, cette somme disparaît : « Je considère que c’est une escroquerie […]. À partir de ce moment, que l’on donne notre argent », a déclaré l’avocat, Me Moumbémbé, pointant du doigt la disparition du montant après le classement de l’affaire.
Une justice « qui dépouille » les citoyens ?
Face à cette disparition inexpliquée, la défense de Patrick Yenou a déposé, en janvier 2024, une plainte pour extorsion auprès du doyen des juges, de l’Inspection générale des services judiciaires et du ministre de la Justice. Jusqu’à présent, aucune réponse n’a été reçue.
Des sources non confirmées suggèrent que les 100 millions de francs CFA auraient transité du B2 jusqu’au domicile de l’ancienne procureure générale, impliquant un partage illégal de fonds. L’avocat de Yenou affirme détenir des preuves de ce partage.
L’affaire met en lumière une fragilité du système judiciaire face aux influences et aux dérives de hauts responsables. L’enquête interne ouverte butte sur l’impossibilité d’auditionner des magistrats de haut rang, ce qui bloque le doyen des juges. Me Moumbémbé est catégorique dans sa demande : « Nous réclamons actuellement la restitution de cette somme » et souhaite « une justice qui protège les citoyens et non une justice qui les dépouille ».
L’« affaire Yenou » a désormais pris une dimension nationale. La Présidence de la République, le ministre de la Justice et le Conseil supérieur de la magistrature ont été saisis. L’issue de cette enquête est attendue par l’opinion publique et pourrait devenir un symbole fort de la nécessité d’une réforme judiciaire profonde au Gabon.










