Sauf que, loin d’être une “opportunité historique” comme il la présente, cette proposition est perçue par une grande partie de l’opinion comme une tentative démagogique de faire endosser aux citoyens le coût d’une défaillance étatique chronique, dont le régime auquel il a appartenu porte une lourde responsabilité. Les explications de l’ancien dignitaire, axées sur la nécessité de l’autonomie communale, masquent mal les risques d’une injustice fiscale massive.
Un nouvel impôt déguisé en solution miracle
L’argumentaire repose sur un postulat fallacieux : celui que l’effectivité de la décentralisation ne tiendrait que par l’introduction d’un nouvel impôt direct. Il cite : « Tant que les communes dépendront presque exclusivement du budget national, la décentralisation restera un slogan. »
Cette assertion élude la question centrale : où sont passées les ressources existantes durant les décennies de mauvaise gouvernance ? Avant d’imposer une charge supplémentaire aux ménages, dont le pouvoir d’achat est déjà fortement érodé, le gouvernement devrait d’abord démontrer sa capacité à recouvrer efficacement les taxes et impôts déjà en vigueur (patentes, licences, impôts fonciers existants) et à lutter contre la corruption systémique. La TFH n’est pas une solution de financement structurelle, mais un pansement coûteux qui a pour seul objectif de légitimer l’inefficacité persistante du système fiscal national.
L’aveu de l’échec cadastral
La proposition de contourner l’absence de cadastre par une taxe forfaitaire « territorialisée » (basée sur des zones : centre, périphérie, etc.) est, au mieux, simpliste, au pire, profondément inéquitable.
L’injustice est manifeste : comment définir objectivement et équitablement la « périphérie » ? Un bien immobilier luxueux dans une zone peu desservie paiera-t-il le même forfait qu’une modeste habitation dans un quartier similaire, simplement parce qu’ils appartiennent à la même catégorie géographique ? De plus, ériger l’absence de cadastre en simple « obstacle non insurmontable » revient à entériner l’inertie de l’État à achever ce travail fondamental. Le vrai financement juste et moderne passe par la connaissance précise du patrimoine, non par le bricolage forfaitaire et arbitraire.
La fin de la « gratuité » et le risque social
Le contexte social au Gabon, marqué par de fortes disparités dans la répartition de la richesse et une grande fragilité des revenus, rend l’instauration d’une TFH dangereuse. Présenter cet impôt comme un moyen de « réparer des années d’abandon » est un cynisme politique mal dissimulé. C’est en réalité la population, et non l’État défaillant, qui se retrouve sommée de payer pour les carences passées.
De plus, l’idée selon laquelle « chaque citoyen constate que sa contribution améliore directement son cadre de vie » relève de la pure pensée magique. Sans mécanismes de transparence et de redevabilité rigoureux et éprouvés, cette taxe risque de s’ajouter aux prélèvements existants sans aucune garantie que les fonds ne soient pas siphonnés par la bureaucratie, loin des voiries et de l’éclairage public attendus.
En conclusion, la proposition de Taxe Forfaitaire d’Habitation, portée par les arguments de Julien Nkoghe Bekale, n’est pas le pilier d’une « République territoriale assumée ». C’est un linceul fiscal jeté sur les contribuables, les obligeant à payer pour un service public que l’État central est déjà censé assurer avec les ressources colossales tirées de ses richesses naturelles.
L’article est désormais plus précis et plus incisif.










