L’ombre d’une élection présidentielle sans véritable suspense
La dernière élection présidentielle a offert un aperçu de ce qui pourrait se jouer en septembre. Face à un Oligui Nguema présenté comme un archi-favori, l’absence d’adversaires de taille était frappante. À l’exception notable de l’ancien Premier ministre Alain-Claude Bilie-By-Nze, la plupart des figures de proue de l’opposition ont opportunément rallié le nouveau régime. Des personnalités comme Alexandre Barro Chambrier, désormais vice-président du gouvernement et figure du Rassemblement Héritage et Modernité, ou Paulette Missambo, présidente du Sénat de la transition et membre de l’Union Nationale, sont désormais des alliés de poids pour l’UDB. Ces ralliements ont non seulement privé l’opposition de ses leaders historiques, mais ont aussi renforcé le bloc présidentiel, promettant un alignement politique quasi total.
Ce scénario, où les voix discordantes se comptent sur les doigts d’une main au sein des deux chambres du Parlement, comme ce fut le cas dans le précédent régime, un parlement monocolore, risque de se reproduire. L’UDB, lancé en juin dernier par Oligui Nguema, et ses partenaires bien établis dans le nouveau paysage politique, semblent avoir le champ libre pour asseoir leur emprise sur l’appareil législatif et local.
Une opposition minée par les batailles internes et les pressions judiciaires
Alors que le Gabon s’apprête à tourner une nouvelle page politique avec la fin de la transition, l’émergence d’une opposition crédible et unie face au régime d’Oligui Nguema peine cruellement à se concrétiser. Les obstacles ne viennent pas seulement du pouvoir en place, mais aussi de l’intérieur même des rangs de ceux qui aspirent à une alternative.
Alain-Claude Bilie-By-Nze, le principal opposant à Oligui Nguema lors de la présidentielle d’avril dernier, voit son horizon politique s’obscurcir de manière significative. Son refus de déposer ses comptes de campagne auprès de la Cour des comptes, une exigence de la nouvelle loi électorale, menace directement son éligibilité. Celui qui avait publiquement déclaré au lendemain de la présidentielle avoir les élections de septembre dans son viseur, espérant un siège à l’Assemblée nationale, voit son avenir suspendu à une décision de la Cour constitutionnelle, qu’il a lui-même saisie pour contester cette obligation. Une situation qui fragilise encore davantage la capacité de l’opposition à se structurer autour d’une figure charismatique. Mais surtout, une voix dissonante qui pourrait cruellement manquer au sein de l’hémicycle du Palais Léon Mba au nom du pluralisme démocratique.
Le parti Réappropriation du Gabon, de son Indépendance, pour sa Reconstruction (REAGIR), perçu comme l’une des rares voix véritablement dissonantes, est lui-même en proie à une division fratricide. Le parti est déchiré entre la faction de Michel Ongoundou Loundah et celle de François Ndong Obiang, l’actuel ministre de la Réforme des institutions. Cette lutte pour la paternité du parti se déroule devant les tribunaux, avec une prochaine audience fixée au 12 août. Le temps presse : en cas de nouveau report, la clarification pourrait attendre la rentrée judiciaire en novembre, bien après le dépôt des candidatures. Si les deux camps devaient présenter des listes au nom de REAGIR, toutes leurs candidatures seraient purement et simplement rejetées, anéantissant ainsi toute possibilité de représentation pour ce mouvement.
Le PDG : l’ancien parti au pouvoir enlisé dans la tourmente
Même l’ancien mastodonte politique, le Parti Démocratique Gabonais (PDG), qui a régné sans partage pendant des décennies, est pris dans une crise profonde. Le parti est aujourd’hui déchiré entre deux factions antagonistes : celle dirigée par Blaise Louembé, qui a opéré un rapprochement avec le nouveau régime, et celle présidée par Ali Akbar Onanga Y’Obégué, qui reste fidèle à l’ancien président Ali Bongo.
Cette guerre de succession a également été portée devant les instances judiciaires. Blaise Louembé avait saisi le Tribunal de première instance de Libreville pour tenter de mettre fin à cette situation de bicéphalisme. Le 25 juillet dernier, la juridiction a transmis le dossier à la Cour constitutionnelle, soulevant une exception d’inconstitutionnalité. Si la Cour venait à confirmer cette situation de double direction, les deux entités du PDG verraient leurs dossiers de candidature rejetés, privant ainsi l’ancien parti au pouvoir de toute participation aux scrutins.
Un boulevard pour le nouveau pouvoir ?
À moins de deux mois des élections, le tableau est clair : le nouveau pouvoir gabonais semble avoir le vent en poupe. L’UDB et ses alliés progressent sur un terrain où l’opposition est soit ralliée, soit affaiblie par des divisions internes et des défis judiciaires. Les scrutins du 27 septembre ne seront peut-être pas une simple formalité, mais tout indique qu’ils pourraient consolider de manière significative l’emprise du régime d’Oligui Nguema sur l’ensemble de l’appareil politique gabonais. Reste à savoir si cette domination se traduira par une réelle stabilité ou si elle masquera des tensions latentes au sein d’une société qui a soif de changement.