Souvenez-vous. 31 août 2016. Libreville est une poudrière. La proclamation des résultats présidentiels donnant Ali Bongo vainqueur face à Jean Ping, a jeté des milliers de citoyens dans les rues, leur colère et leur désespoir se heurtant à la rigueur implacable des forces de l’ordre. Gaz lacrymogènes, pierres qui volent, la peur et la rage se mêlent dans un ballet chaotique. Et puis, au cœur de cette tempête, un homme. Seul. À genoux. Gélase Ndong Allogho, les mains jointes enserrant un chapelet, le regard tourné vers le ciel, implorant une paix que tous croyaient perdue, face à des gendarmes impassibles, lourdement armés, barrant la route vers la Cité Démocratie. Un David spirituel face au Goliath de la discorde.
Comme la France révolutionnaire eut son Gavroche, chantre de l’insoumission juvénile, comme la lutte pour les droits civiques aux États-Unis fut portée par la dignité d’une Rosa Parks ou la parole prophétique d’un Martin Luther King, le Gabon, dans cette heure sombre, a vu se dresser cette figure inattendue de résilience spirituelle.
Aujourd’hui, le Gabon respire un air nouveau, une transition porte les espoirs d’une nation. Et Gélase Ndong Allogho, avec une humilité désarmante, accepte de lever le voile sur cet instant où sa vie bascula. “Si ma mémoire ne me trahit pas,” murmure-t-il, les yeux cherchant ce point précis où tout s’est joué, “c’était par là… Les forces de l’ordre bloquaient tout. Et moi, j’étais là, à genoux.”, a-t-il confié à nos confrères de Gabon Média Time.
Ce geste, qui sembla à beaucoup un acte de défi ultime, était pour lui une évidence dictée par une force intérieure. “C’est alors qu’une voix, la même voix, est revenue me dire de me mettre à genoux, de tendre les bras, de montrer mon chapelet et de prier.” Il confesse ne pas savoir quand la photo fut prise, perdu dans la ferveur de sa supplique. “Autour de moi, c’était le tumulte. Mais j’ai entendu cette voix intérieure qui me demandait de prier.”
Il n’y avait nulle quête de gloire, nulle ambition politique dans son cœur. Seulement la pureté d’une foi inébranlable. “Mon acte n’est ni politique, ni un acte de résistance,” explique-t-il avec une sincérité touchante. “Ce n’est qu’un acte d’obéissance à Dieu. Il m’a demandé, au plus profond de moi, de prier. Et c’est ce que j’ai fait.”
Huit années ont passé. Le Gabon a changé de visage. Et dans les yeux de Gélas Ndong Allogho, on lit une joie contenue, une gratitude immense face à l’apaisement qu’il observe. “Cette transition-ci… tout est calme, tout se déroule si bien, c’est merveilleux,” dit-il, un sourire éclairant son visage. “On peut enfin laisser le passé derrière nous et regarder vers l’avenir.”
Cet avenir, il le voit baigné de lumière, mais toujours porté par la prière. “L’avenir, c’est accompagner nos dirigeants, notre Président, par la prière.” Son cœur déborde d’une fierté nouvelle pour son pays : “Oui, le Gabon peut se relever ! Regardez ces visites, cette reconnaissance. Après les élections, je n’avais jamais vu un Gabon aussi transparent, aussi propre, applaudi de toutes parts. De toute ma vie, je n’avais jamais été témoin de telles élections. C’est un Gabon paisible.” Il insiste, comme pour mieux s’en convaincre et nous en persuader : “C’est ce Gabon-là que nous devons chérir et construire.”
Le témoignage de Gélase Ndong Allogho, l’homme au chapelet, est bien plus qu’un simple récit. C’est une leçon de vie, un souffle d’espérance. La preuve qu’au plus profond des ténèbres, une simple prière, un acte de foi solitaire, peut allumer une flamme capable d’éclairer le chemin de tout un peuple vers la concorde et un lendemain où il fait bon vivre, ensemble.