Le collectif de parents, par la voix de Lucie Edzang épouse Mbele Loussou, a brisé l’omerta sur le sort de ces jeunes gens, dont six Gabonais. Arrêtés pour des chefs d’accusation variés – trafic de drogue, association de malfaiteurs et blanchiment de capitaux – ils croupissent en isolement depuis près d’un an, pour certains depuis août 2024. Le transfert vers Makokou, effectué par la Direction générale des Services spéciaux (DGSS) le 7 décembre 2024, s’est déroulé, selon les familles, « sans que les parents soient au courant, sans qu’ils aient été auditionnés », en violation flagrante des procédures légales.
Le cœur du problème réside dans l’absence totale d’instruction. La juge du cabinet spécialisé numéro 1, censée instruire les dossiers et se déplacer à Makokou, n’aurait jamais fait le voyage. Elle aurait constamment invoqué l’attente des « frais de mission » de la DGSS. « Ils n’ont même pas été entendus monsieur, » a déploré la porte-parole.
Face à cette inertie, les familles font face à un renvoi permanent de responsabilités entre les institutions : « Quand on est au palais de justice, on nous dit que c’est le problème de la DGSS. Quand on va à la prison, on nous dit que ce sont les prisonniers de la présidence de la DGSS, on ne peut pas les voir, » a expliqué Lucie Edzang. Une situation jugée « kafkaïenne » qui paralyse toute avancée.
Même les avocats se heurtent à un mur. Bien que munis de permis de communiquer délivrés par la juge d’instruction, ils se voient refuser l’accès aux détenus, n’ayant pu en voir certains que brièvement, « peut-être deux minutes, une seule fois ».
Dans ce contexte de détresse et de non-droit, les familles se tournent vers le chef de l’État, Brice Clotaire Oligui Nguema, en citant son propre discours prononcé lors de la rentrée judiciaire du 6 octobre 2025. Le président avait alors appelé à une justice indépendante, transparente et respectueuse de la loi. « On demande la même chose que lui, » a souligné Lucie Edzang.
Le collectif réclame le retour immédiat des détenus à Libreville, leur audition sans délai et un jugement équitable. « Ça fait un an que l’enquête dure. Donc eux, ils savent très bien qui est coupable et qui n’est pas coupable, » a insisté la porte-parole, dénonçant une détention préventive qui se mue en peine purgée sans procès.
La démarche de ce collectif, épaulé par des conseils juridiques, met aujourd’hui en lumière une fracture béante entre le discours officiel et la réalité vécue par les citoyens. Les autorités judiciaires et sécuritaires sont désormais au pied du mur, sommées d’apporter des réponses concrètes et de prouver que l’État de droit ne souffre pas d’une justice à deux vitesses.