“Le Confidentiel” l’avait évoqué dès les premiers signes de tension : depuis l’arrivée à la tête de ORABANK en janvier 2024 de son nouveau Directeur général, un malaise profond s’est installé au sein de cette institution financière pourtant réputée pour sa rigueur et son professionnalisme. Le 14 mai dernier, les révélations de notre rédaction ont été suivies d’effets : une mission d’inspection du Ministère du Travail a débarqué dans les locaux de la banque, pour faire la lumière sur des pratiques jugées préoccupantes.
Climat social dégradé, convention collective bafouée, opacité dans la gestion du personnel étranger : une bombe à retardement
Selon des sources concordantes proches du dossier, les inspecteurs ont été saisis de plusieurs éléments accablants. Parmi eux, des ordres de mission signés officiellement pour un appui ponctuel pour des ressortissants togolais, en l’occurrence Messieurs Serge TOHENOU, Soulimissim ALITI et Abalo Ayaobi DICK, ce dernier allant jusqu’à signer des correspondances officielles en qualité de Directeur du Recouvrement de ORABANK selon les correspondances adressées par les délégués du personnel au ministère du Travail. Un poste stratégique, confié à un non-résident, sans visa de travail ni autorisation formelle, dans un pays qui affiche pourtant un taux de chômage alarmant.
Vers une requalification en travail dissimulé ?
Les inspecteurs auraient relevé que la fréquence des déplacements, la durée des séjours, la nature des missions et le niveau de responsabilité exercé par ces agents pourraient entraîner une requalification en contrat de travail dissimulé, exposant la banque à de lourdes sanctions, aussi bien sur le plan réglementaire que pénal.
Alors que la réglementation sur le travail des étrangers en République gabonaise est claire, une question demeure : le Directeur général a-t-il volontairement contourné la loi ? Et pourquoi aucun service interne, qu’il s’agisse des ressources humaines ou de la conformité, n’a-t-il eu le courage d’alerter la direction générale sur les risques de ces dérives ? Opacité ou complicité silencieuse ?
Des postes vacants, des gabonais écartés : le choix du mépris ?
Autre interrogation soulevée par nos investigations : pourquoi tant de postes de responsabilité restent-ils vacants, ou confiés à des étrangers de passage, alors que le pays regorge de compétences nationales formées, qualifiées et disponibles ? Les postes de Directeur du Recouvrement et de Directeur des Crédits confiés de fait à deux Togolais, n’auraient-il pas pu être pourvus localement ? Le manque de confiance dans l’expertise nationale serait-il devenu doctrine au sommet de ORABANK ?
Un DG dans l’œil du cyclone : quand la finance entrave le social
Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Selon nos informations, le même Directeur général refuserait de débloquer un crédit de 26 milliards FCFA destiné à la construction de logements sociaux dans le Grand Libreville, pourtant accordé par sa banque à l’État gabonais en octobre 2024. Motif avancé : la dégradation de la note souveraine du Gabon par les agences de notation.
Un refus qui interroge, voire choque, quand on sait que dans le même temps, le groupe bancaire UBA et d’autres partenaires ont conduit sans difficulté des levées de fonds massives sur les marchés régionaux, à travers l’opération Mouele, pour un montant dépassant les 1.000 milliards de FCFA.
Un analyste financier interrogé par Le Confidentiel y voit une décision incompréhensible, proche du sabotage économique, dans un contexte où le gouvernement s’efforce de relancer le secteur du logement, confronté à un déficit de plus de 300.000 unités, comme l’a rappelé récemment M. KAMONOMONO, président du Réseau Habitat, lors de la 57e Conférence des promoteurs immobiliers.
Vers un choc institutionnel ?
En moins de 18 mois, ORABANK semble être passée d’une institution stable à une zone de turbulences sociales, réglementaires et managériales. La question n’est plus de savoir s’il y a malaise, mais combien de temps encore cette situation pourra être tolérée, tant par les autorités de régulation que par les actionnaires, et surtout, par les employés, démotivés, et pour certains en voie de départ.