Commandité en janvier dernier pour apporter la transparence sur ce concours lancé il y a quatre ans et fortement controversé, RSM France a rendu ses conclusions le 13 juin. Le verdict est sans appel : “les résultats finaux du concours ne peuvent être considérés comme reflétant fidèlement les performances individuelles des candidats, ce qui met en cause la crédibilité de l’ensemble du processus”, indique le rapport adressé à la BEAC.
Un processus entaché de défaillances majeures
L’audit pointe du doigt une série de défaillances systémiques. Selon François Suarez de Bustamante, associé chez RSM France et rédacteur du rapport, “la sélection du prestataire n’a pas respecté les règles de transparence, la sélection des candidats s’est faite avec des irrégularités majeures et l’organisation logistique n’a pas assuré des conditions équitables à tous les participants”. La mission de RSM France visait à passer au crible l’intégralité du processus, du choix du prestataire à la publication des résultats, incluant l’organisation logistique, la gestion des candidatures et l’évaluation des profils.
Favoritisme avéré dans le choix d’AfricSearch
Le rapport souligne que la sélection du cabinet AfricSearch, en charge de l’organisation du concours, a été effectuée à l’issue d’un processus “peu rigoureux”. Contrairement aux règles du “Code des marchés de la BEAC”, aucun appel à candidatures ouvert n’a été lancé, et seules deux offres ont été examinées. L’analyse démontre une “procédure qui a clairement favorisé AfricSearch, sans justification objective par rapport à son concurrent APAVE”. De surcroît, RSM France a relevé que plusieurs CV présentés par AfricSearch étaient non signés, utilisés plusieurs fois pour différents postes, voire incohérents, mais néanmoins validés sans vérification approfondie. En conséquence, l’attribution du marché à AfricSearch est jugée “irrégulière”, “non transparente” et “discriminatoire”.
Candidats inéligibles et manque de transparence dans les sélections
L’audit révèle également que 13% des candidats retenus n’étaient pas éligibles. Le processus de présélection, d’admissibilité et de sélection finale a souffert d’un manque criant de transparence, avec peu de documents justificatifs pour les décisions prises. Dans certains cas, la commission aurait arbitrairement modifié les profils proposés par les cabinets, altérant ainsi les choix initiaux. “La sélection des lauréats ne garantit pas que les meilleurs candidats aient été retenus. Le manque de rigueur et la gestion arbitraire des candidatures entachent l’équité du concours”, précise le rapport.
Incidents logistiques et conditions inéquitables
RSM France a également documenté de nombreux incidents survenus lors de la phase écrite du concours dans les centres d’examen. Des retards, l’absence de matériel et une préparation logistique insuffisante ont été signalés. Les conditions d’examen ont considérablement varié d’un centre à l’autre, ce qui a potentiellement affecté la performance des candidats et compromis la crédibilité de l’ensemble du processus.
Un historique de controverses
Ce rapport vient jeter une lumière crue sur un concours déjà l’objet de vives critiques. Lancé en décembre 2021, le processus avait vu la publication d’une première liste d’admissibilité de 66 candidats (pour 45 postes) en juillet 2022. Cependant, il avait été suspendu sur instruction du comité ministériel de l’Union Monétaire de l’Afrique Centrale (UMAC) face aux nombreuses dénonciations d’irrégularités.
Des voix s’étaient élevées, y compris celle de Bienvenu Marius Roosevelt Feimonazoui, qui, dans une note du 31 mai 2022, recommandait la reprise pure et simple du processus en raison d’“incidents” observés. L’ancien gouverneur, Abbas Mahamat Tolli, avait même été soupçonné de favoritisme envers ses proches, des accusations qui visaient également plusieurs hauts cadres de l’institution. Le 1er août 2022, Hervé Ndoba, alors PCA de la BEAC, avait ordonné la suspension “immédiate” du processus, estimant qu’il avait été “émaillé d’incidents significatifs de nature à en altérer la crédibilité”, ce qui avait entraîné des tensions entre le gouverneur et son conseil d’administration.
Les conclusions de RSM France confirment donc les craintes initiales et appellent à des mesures fortes pour restaurer la confiance dans les processus de recrutement de la BEAC.