L’élément clé de ce jugement est glaçant de simplicité : l’incapacité du Gabon à produire le traité de Bata de 1974. Ce document, que Libreville invoquait comme preuve de sa propriété, était pourtant au cœur de notre argumentation. Face à cette absence, la CIJ a tranché en faveur de la convention de 1900 signée entre la France et l’Espagne, nos anciennes puissances coloniales. Ce n’est pas qu’une défaite diplomatique ; c’est un échec criant de notre mémoire institutionnelle.
Les archives ne sont pas de vulgaires papiers oubliés. Elles sont les garantes juridiques, historiques et diplomatiques de notre existence en tant que nation. Elles recèlent les preuves de nos droits, la mémoire de nos frontières, les traces de nos traités et l’essence de notre parcours collectif. L’affaire de Mbanié démontre tragiquement que lorsqu’elles sont abandonnées, mal organisées, ou pire, introuvables, c’est le socle même de notre légitimité qui s’effondre.
Le cas des Archives nationales du Gabon illustre malheureusement cette réalité inquiétante. Depuis des années, cette institution essentielle souffre d’un manque criant de moyens, de modernisation et de considération. Les documents anciens, pourtant vitaux, y sont souvent conservés dans des conditions précaires, parfois inaccessibles ou fortement dégradés. Comment espérer défendre notre histoire et nos droits si nos preuves sont illisibles, ou tout simplement perdues au moment crucial ? Le sort de Mbanié est un rappel que l’histoire est écrite par ceux qui maîtrisent et préservent leurs documents.
Ce constat doit être un puissant signal d’alarme pour l’ensemble de notre nation. Il est impératif de consolider nos structures archivistiques, de former des agents compétents, de numériser les documents essentiels pour garantir leur pérennité, de sécuriser les fonds documentaires et de promouvoir une véritable culture des archives comme fondement de toute administration solide. Il est temps que les politiques publiques accordent à la gestion des archives la place stratégique qu’elle mérite.
Un pays privé de mémoire est un pays sans repères. Et une nation qui néglige ses archives s’expose, tôt ou tard, à bien pire que la perte d’un territoire. Elle peut perdre son identité, sa mémoire collective et sa légitimité sur la scène internationale. L’affaire de l’île Mbanié ne doit pas être un simple fait divers, mais le catalyseur d’une prise de conscience nationale profonde.