Cette nomination, annoncée le 6 mai 2025, constitue une deuxième consécration internationale en deux ans pour celui qui avait également rejoint CTrees et le SPCB (Groupe scientifique pour le bassin du Congo) après son départ du Gabon en octobre 2023. Il siégera au sein du conseil d’administration aux côtés de l’ancienne ministre nigériane Sharon Ikeazor, désormais présidente de la Fondation EPI.
Ce retour en grâce surprend au regard des soupçons qui pesaient sur Lee White : attribution illégale de permis forestiers, destruction de documents publics et gestion opaque des ressources naturelles. L’évocation d’un possible mandat d’arrêt international n’avait finalement jamais abouti.
Aujourd’hui, l’ancien ministre se retrouve non pas à rendre des comptes, mais à orienter les politiques de préservation d’une espèce emblématique. John Scanlon, PDG de la Fondation EPI, n’a pas hésité à louer en lui un « défenseur reconnu de la nature au Gabon et un porte-parole infatigable de la conservation de la nature en Afrique ». De son côté, Lee White a déclaré vouloir aider la Fondation à relever le défi croissant des conflits entre les populations et les éléphants.
Cette déclaration, venant d’une figure dont la gestion des ressources naturelles au Gabon a été marquée par l’opacité et la controverse, ne manque pas de susciter des réactions amères. Proche de l’ancienne famille présidentielle et architecte de la diplomatie verte de l’ancien régime, ses rapports avec plusieurs acteurs de la société civile gabonaise engagée dans la préservation de l’environnement au Gabon, étaient exécrables. Pour de nombreux observateurs, cette nomination ressemble à une forme de réhabilitation orchestrée, loin des éventuelles suites judiciaires que la transition gabonaise aurait pu initier. Le mandat d’arrêt annoncé par les autorités semble être resté lettre morte, soulevant des questions sur la réelle volonté de faire la lumière sur les accusations portées à l’encontre de l’ancien ministre.
Au Gabon, cette exfiltration a renforcé le sentiment d’une justice à deux vitesses. L’image d’un ancien haut responsable, soupçonné de malversations, accueilli avec les honneurs au sein d’une organisation internationale co-fondée par son propre pays, contraste fortement avec la situation de jeunes activistes locaux, parfois emprisonnés pour avoir exprimé des critiques en ligne.
La nomination de Lee White à la Fondation EPI soulève ainsi de sérieuses interrogations. S’agit-il de l’épilogue d’un simulacre de reddition ou du début d’une immunité patiemment construite grâce à son expertise en matière de conservation et à des soutiens diplomatiques de haut niveau ? La trajectoire de Lee White, oscillant entre scandale politique et réhabilitation écologique, illustre les limites d’un système où une expertise environnementale reconnue pourrait servir de rempart face à l’impératif de redevabilité. Dans un Gabon qui aspire à une refondation de ses institutions, ce nouveau rôle interpelle quant à la portée réelle de la justice et de la transparence. La défense des éléphants, aussi cruciale soit-elle, ne saurait masquer les silences assourdissants d’une justice qui semble s’adapter aux profils et aux enjeux.