« Après avoir pris connaissance du rapport de l’audit […] présenté par le Cabinet RSM France, le Comité ministériel a décidé d’annuler ledit concours », a déclaré Ivan Bacale Ebe Molina, président du Comité ministériel et ministre des Finances de Guinée Équatoriale, dans le communiqué sanctionnant les travaux. L’instance a par ailleurs invité le gouvernement de l’institut d’émission des six États de la CEMAC (Cameroun, Congo, Gabon, Guinée Équatoriale, Tchad, République centrafricaine) à « organiser un nouveau concours dans les meilleurs délais et le respect des exigences de transparence requises ».
Un rapport d’audit accablant qui fragilise la légitimité des résultats
Mandaté en janvier dernier, le cabinet RSM France avait pour mission d’examiner minutieusement toutes les étapes du concours, de la sélection du cabinet prestataire jusqu’à la publication des résultats. Cinq mois plus tard, le verdict est sans appel : « les résultats finaux du concours ne peuvent être considérés comme reflétant fidèlement les performances individuelles des candidats, ce qui met en cause la crédibilité de l’ensemble du processus », indique le rapport consulté par nos confrères d’EcoMatin.
Selon le cabinet parisien, la sélection d’AfricSearch, le cabinet en charge de l’organisation du concours, s’est faite en violation des règles de passation des marchés de la BEAC, sans appel à candidatures ouvert ni transparence dans l’évaluation des offres. Pire, plusieurs CV utilisés dans la procédure étaient « non signés, incohérents ou recyclés pour différents postes » et pourtant validés par le prestataire. L’attribution du marché à AfricSearch est, par conséquent, jugée « irrégulière, non transparente et discriminatoire ».
Le processus de sélection des candidats n’échappe pas non plus à la critique. Le rapport révèle que 13% des candidats admissibles n’étaient pas éligibles, et que les commissions chargées de la présélection auraient procédé à des modifications arbitraires des profils, sans justification documentée. « La sélection des lauréats ne garantit pas que les meilleurs candidats aient été retenus. Le manque de rigueur et la gestion arbitraire des candidatures entachent l’équité du concours », précise le rapport. RSM pointe également des défaillances logistiques majeures lors de la phase écrite, notamment des retards, l’absence de matériel et des conditions d’examen inéquitables selon les centres. Autant d’éléments qui, cumulés, sapent la crédibilité du concours.
Des soupçons de favoritisme et une suspension antérieure
Lancé en décembre 2021, ce recrutement portait sur 45 postes d’Agents d’Encadrement Supérieur. En juillet 2022, une liste de 66 candidats admissibles avait été rendue publique. Cependant, dès ce moment, de nombreuses voix s’étaient élevées pour dénoncer des irrégularités, entraînant la suspension du processus sur instruction du Comité ministériel de l’UMAC. Des soupçons de favoritisme avaient notamment visé l’ancien gouverneur Abbas Mahamat Tolli, accusé d’avoir pesé en faveur de certains proches.
Une note interne signée par le directeur du personnel d’alors, Bienvenu Roosevelt Feimonazoui, alertait déjà sur de multiples incidents lors de la phase écrite. Le président du Conseil d’administration de l’époque et ministre des Finances de la RCA, Hervé Ndoba, avait fini par ordonner, le 1er août 2022, la suspension immédiate du concours, jugeant qu’il avait été « émaillé d’incidents significatifs de nature à en altérer la crédibilité ».