Depuis la chute du régime d’Ali Bongo, Mahamadou Bonkoungou, à la tête du groupe Ebomaf, a considérablement renforcé sa présence au Gabon. L’homme d’affaires, visiblement en odeur de sainteté auprès du nouveau pouvoir, a raflé une quantité impressionnante d’appels d’offres de l’État.
En 2024 déjà, des dizaines de marchés publics avaient été attribués par entente directe à Ebomaf dans des secteurs stratégiques de l’économie nationale : routes, ponts, compagnie maritime, pêche… Ces attributions massives avaient déjà suscité l’étonnement, mais étaient restées sans explication de la part des ministres Mays Mouissi et Charles M’ba, et sans interpellation du Parlement.
Le caractère privilégié des relations entre le pouvoir en place et Mahamadou Bonkoungou a été illustré vingt-quatre heures seulement après le Conseil des ministres. Le président Oligui Nguema s’est rendu à Cocobeach pour superviser l’avancement de projets structurants (base navale, station Gab’Oil, boulangerie, parc d’attractions, magasin Cecado, Centre d’Appui à la Pêche Artisanale, travaux de voirie). Et parmi l’importante délégation d’opérateurs économiques qui l’accompagnaient, figurait le désormais incontournable Mahamadou Bonkoungou.
Henri-Claude Oyima, le nouveau ministre d’État en charge de l’Économie et des Finances, semble déterminé à ne pas s’accommoder de ce fait accompli. Malgré l’intégration apparente de Bonkoungou dans le paysage économique gabonais – et ce, alors qu’il est persona non grata dans son propre pays, le Burkina Faso, où il est accusé de surfacturation dans un appel d’offres public – Oyima s’inquiète. L’accumulation des marchés publics par Bonkoungou, incluant la concession de la Compagnie Nationale de Navigation Intérieure et Internationale (acquise, elle aussi, sans appel d’offres), ne passe visiblement pas auprès du nouveau locataire de l’immeuble Arambo.
La situation de Mahamadou Bonkoungou ne se limite pas au Gabon. Au Sénégal, un rapport de la Cour des Comptes a récemment mis en lumière de graves irrégularités financières impliquant ses banques, International Business (IB) Bank T et International Business (IB) Bank B.
À l’issue de la communication du ministre Oyima, le Conseil des ministres a réaffirmé « avec fermeté la nécessité de renforcer la discipline administrative et d’appliquer rigoureusement les règles relatives à la commande publique, dans un esprit de transparence, de concurrence équitable et de bonne gouvernance ».
Ces déclarations augurent-elles un changement de cap radical ? Le gouvernement ira-t-il jusqu’à diligenter un vaste audit des marchés publics attribués en 2024 ? Les ministres Charles M’ba et Mays Mouissi seront-ils appelés à s’expliquer devant les deux chambres du Parlement ?