Plus de deux ans après le « coup de libération » mené par le général Brice Clotaire Oligui Nguema, le constat est amer : que reste-t-il des forces contestataires ? Pas grand-chose. Surtout, qu’est devenue la plateforme Alternance 2023, cette coalition hétéroclite de partis et de personnalités autrefois soudés contre le système Bongo ?
L’Union Nationale (UN), née des cendres encore fumantes de la violente crise post-électorale de 2009 et forgée quasiment dans la clandestinité, n’est plus que l’ombre d’elle-même. Jadis fer de lance de l’opposition, le parti est réduit aujourd’hui à un souvenir lointain, ne comptant que deux députés à l’Assemblée nationale.
Le diagnostic est tout aussi sévère pour Alexandre Barro Chambrier. Celui qui fustigeait les « profitosituassionistes » — ces opportunistes gravitant autour du pouvoir au détriment de l’intérêt général — semble désormais prisonnier du silence. Leader du RPM et principal challenger d’Ali Bongo en 2023, il avait tant inquiété le régime déchu que ce dernier avait modifié le code électoral en plein processus, introduisant le bulletin unique pour tenter de l’écarter. Aujourd’hui, cette figure de proue paraît neutralisée par la nouvelle donne politique.
Le cas de François Ndong Obiang offre, lui aussi, une leçon de realpolitik. En août 2023, on se souvient de son discours presque messianique à Rio, au dernier jour de la campagne présidentielle, appelant à l’onction populaire pour Albert Ondo Ossa. Mais depuis son entrée au gouvernement de transition, l’homme a troqué le costume de tribun pour celui de ministre, tournant le dos aux valeurs d’alternance qu’il portait jadis. Son passage a laissé des traces : un parti REAGIR morcelé par un bicéphalisme stérile, né de ses brouilles avec ses anciens compagnons désormais en rupture de ban avec les autorités de la transition.
Le constat s’étend aux anciennes figures de la diaspora. Laurence Ndong, autrefois l’une des voix les plus virulentes de l’opposition en France, et l’analyste économique Mays Mouissi, tous deux opposants acharnés au système Bongo, ont suivi une trajectoire similaire. Après avoir intégré le premier gouvernement de la Transition, ils sont devenus des figures centrales de l’appareil au pouvoir, illustrant la mutation rapide des contempteurs d’hier en piliers du système actuel.
La société civile, elle non plus, n’échappe pas au naufrage. Marc Ona Essangui, jadis l’indomptable poil à gratter a fini par rejoindre les rangs du parti présidentiel, l’Union Démocratique des Bâtisseurs (UDB). Il semble loin le temps où l’ancien pouvoir, au mépris de la morale et de la dignité humaine, l’attaquait par des sextapes montées ou des caricatures moquant sa mobilité.
Même déshérence pour Georges Mpaga, cette grande gueule des luttes citoyennes, autrefois vent debout contre la pollution des sociétés pétrolières. Enfin, le pasteur Georges-Bruno Ngoussi, l’un des rares leaders évangéliques à s’être farouchement opposé au régime déchu — ce qui lui valut l’incendie de sa chaîne de radio et télévision en 2016 — semble aujourd’hui fermer les yeux sur la gouvernance actuelle.
Entre ralliements tactiques et essoufflement idéologique, la scène politique semble avoir perdu sa boussole. En raclant les fonds de tiroir de la contestation, l’ancien Premier ministre n’a fait que confirmer une triste évidence : l’opposition traditionnelle s’est dissoute dans les lambris dorés de la Transition ou s’est éteinte par épuisement.
Pourtant, ce vide est périlleux. Si les visages d’hier ont abdiqué, l’exigence démocratique, elle, demeure. Le véritable défi de l’après-transition sera de voir émerger une nouvelle force de contradiction, une opposition à construire sur des bases saines, loin des calculs de postes et des ralliements de circonstance. Car sans une voix critique structurée et courageuse, le pays court le risque de passer d’un monolithisme à un autre, laissant le citoyen seul face à un pouvoir sans miroir.










