Monsieur Jean Ping,
Lors des élections présidentielles de 2016, alors que les tendances vous donnaient gagnant, les autorités en place ont volé le vote des citoyens et déclaré Ali Bongo vainqueur.
Le 31 août 2016, votre quartier général a été lâchement attaqué, et plusieurs de vos compatriotes sont morts, tués par ceux-là mêmes qui, aujourd’hui, s’érigent en sauveurs. Trois morts, selon la voie officielle ; une vingtaine recensée formellement, mais probablement bien plus en réalité.
Devant l’effroi causé par ces blessures et notre désir ardent d’alternance, nous avons, avec votre impulsion, tenu le pavé et le bitume pour revendiquer le respect du vote des citoyens. Pendant près de sept ans, nous n’avons rien lâché : certains sont partis, d’autres sont morts ; ceux qui sont restés ont persévéré et gardé la flamme du combat allumée. Pendant ce temps, le Gabon s’enfonçait toujours plus : le tissu social était détruit, le moral en berne, l’économie en souffrance, et l’État s’enfonçait encore et encore dans la déliquescence.
Le coup d’État du 30 août 2023 n’a pas seulement évincé Ali Bongo (d’ailleurs, certains de ses affidés sont toujours aux responsabilités), il a volé le vote des citoyens qui avaient fait de M. Ondo Ossa le Président de la République.
Le nouveau pouvoir de transition s’est imposé ; il n’a pas été élu par les Gabonais et donc n’est pas légitime. Nous avons noté, lors de la parodie d’investiture, que M. Oligui Nguema a promis de remettre le pouvoir aux civils à l’issue de l’organisation d’élections apaisées. L’avenir nous le dira : « wait and see ».
Monsieur Jean Ping,
Où en est l’enquête sur l’attaque de votre quartier général ?
Où en est la commission vérité, justice et réconciliation ?
Qu’en est-il de la compensation et de l’indemnisation des victimes et/ou de leurs proches ?
Où en est la prise en charge complète des traumatisés et des blessés de cette attaque ?
Qu’avez-vous fait et réclamé pour toutes ces personnes ?
Pourquoi semblez-vous aussi complaisant ?
Les autorités en place déroulent leur calendrier et cochent leurs cases ; le Titanic avance vers l’iceberg, le commandant de bord et l’équipage sont sereins…
– Selon la voie officielle, 38 000 contributions populaires ont été reçues. Pourquoi n’ont-elles pas été mises à l’appréciation de tous ?
– Le dialogue national, qui n’a eu d’inclusif que le nom, n’a pas été juste et transparent : 600 Gabonais choisis par une seule personne. Des conclusions contestées même par des participants, sans parler de la cacophonie des rapports diffusés sur la toile.
– Une proposition de constitution élaborée par un comité de personnes désignées, encore une fois, par la même personne unilatéralement. – Quel est le rôle d’un parlement (assemblée et sénat) désigné par cette même personne, dont le « devoir » s’est limité à faire quelques amendements dont la qualité est laissée à son appréciation exclusive ?
Monsieur Jean Ping,
Vous écrivez, je cite : « Cette constitution ne réglera pas tous les problèmes… ». Moi, je vous demande : – Pourquoi se précipiter alors que le moment est tellement déterminant qu’il faut prendre le temps de bien faire ?
– Pourquoi se contenter du médiocre lorsqu’on peut obtenir l’excellence ? Cette proposition de constitution ne répond pas aux questions qui ont mené le Gabon à sa situation actuelle. Elle en crée d’autres. Elle a des allures de vengeance et semble destinée à ouvrir la voie au nouveau maître et à consacrer le nouveau président-monarque du moment.
Par exemple : – La sacralisation des droits fondamentaux des citoyens, cités dans la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée en 1948, a été retirée du préambule, contrairement aux textes précédents.
– La séparation des pouvoirs, qui n’a d’ailleurs jamais été une réalité (bien que réclamée), est encore amoindrie avec un président-monarque, chef de l’exécutif, chef du judiciaire, chef du parlement, et qui ne répond à personne. De quel équilibre des pouvoirs parle-t-on, si tout est concentré entre les mains d’une même personne ?
– La discrimination et la division des Gabonais, par la proposition de conditions d’éligibilité injustes, éliminant de manière systématique tout(e) Gabonais(e) de la diaspora (pourtant fer de lance de la résistance active qui vous a soutenu) ou marié(e) à une personne d’origine étrangère. Vous-même, M. Jean Ping, auriez été exclu…
Monsieur Jean Ping
Le combat pour la liberté, l’autodétermination et la souveraineté repose sur la constitution de lois fortes, et non d’hommes forts. Vous avez dit : « J’irai jusqu’au bout ». Je n’ose pas croire que c’est de ce bout dont vous parliez ?
Pour notre part, nous ne nous arrêterons que lorsque le Gabon prendra « réellement » le chemin de l’essor vers la félicité. Cher compatriote, VOTEZ « NON » au référendum du 16 novembre 2024. Vous ne sanctionnerez personne. Vous donnerez une chance à la rédaction d’une constitution juste et respectueuse des libertés de chacune et chacun.
Georges Augowet Citoyen Gabonais Médecin, Chirurgien des Hôpitaux, Ancien officier supérieur des Forces Armées Gabonaises