La rencontre décisive du 14 mai 2025 est l’aboutissement d’une période de vingt mois qui restera dans l’ombre. Sylvia et Noureddin, arrêtés lors du coup d’État d’août 2023, venaient de vivre une détention punitive et clandestine. Après six mois à la prison centrale, les quatorze mois suivants se sont déroulés dans une cellule improvisée au sous-sol même du Palais présidentiel, dans le bureau du Capitaine Dimitri Raivire. Un isolement total, à quelques mètres du pouvoir qu’ils avaient exercé, avant d’être placés en résidence surveillée cinq jours avant cette convocation fatidique.
Le pacte : liberté contre omerta
Le président de la République, Brice Oligui Nguema, a convoqué ce jour-là l’ancien chef de l’État, Ali Bongo Ondimba, en même temps que son épouse et son fils. Devant ses conseillers, le message fut brutal et sans appel. Le général Oligui annonçait leur libération, officiellement pour raisons médicales, mais la décision était assortie d’une condition non négociable : le silence total sur les conditions réelles de leur captivité.
C’est ce marché, ce pacte de l’ombre, qui a scellé leur exil vers l’étranger. La rapidité de leur départ atteste de l’urgence politique de clore ce chapitre embarrassant. Pour les autorités gabonaises, il s’agissait de régler la question de l’ancienne famille régnante sans s’exposer davantage à la lumière des projecteurs internationaux sur les conditions de détention.
L’ombre persistante d’une justice tronquée
Le Gabon s’est ainsi débarrassé de ses prisonniers les plus encombrants, mais pas de son dilemme judiciaire. Malgré l’exil, Sylvia et Noureddin seront jugés par contumace à partir du 10 novembre 2025. Poursuivis pour les charges les plus lourdes (détournement de fonds, haute trahison), leur procès risque d’être perçu comme une “justice des vainqueurs” mise en scène, un procès spectacle sans les principaux acteurs.
Le traitement subi par les Bongo – de la détention clandestine à la libération conditionnée par l’omerta – alimente le doute. Ces conditions rappellent que, si le Gabon veut bâtir un État de droit, celui-ci ne peut commencer par la violation des droits des individus, même les plus puissants ou les plus décriés.










