Une descente aux enfers racontée par le principal intéressé
Brice Laccruche Alihanga, aujourd’hui conseiller stratégique de l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB), ne mâche pas ses mots. Il dépeint l’ère Bongo-Valentin comme un régime verrouillé, un “cartel” ou une “mafia” où la loyauté aveugle était une condition sine qua non, et toute dissidence, un crime.
Il situe le point de bascule en novembre 2019, lors d’une rencontre avec Noureddin Bongo Valentin. La question qui lui est posée est sans appel : “Mon grand-père Omar Bongo était président du Gabon, mon père Ali Bongo est président du Gabon… et moi je serai président du Gabon. Est-ce que tu es avec moi ou contre moi ?”. Le refus de Laccruche Alihanga, un “non” ferme, scelle son destin. Pour lui, ce refus a signé son “arrêt de mort”.
S’ensuit un cycle de représailles d’une violence inouïe. Arrêté, il passe quatre ans en isolement total dans une cellule de six mètres carrés, sans lumière naturelle, sans promenade, sans lecture. “Je n’arrivais pas à distinguer le jour de la nuit,” confie-t-il. Il perd quarante kilos et se voit diagnostiqué un cancer du côlon. Il affirme que près de 300 de ses proches et alliés ont subi un sort similaire.
Un système basé sur l’allégeance ou l’élimination
Brice Laccruche Alihanga décrit un système où l’allégeance était la seule voie possible, l’élimination la seule sortie. “Une fois que vous êtes rentré, vous ne pouvez plus en sortir comme ça. […] Une fois dedans, quand vous sortez, il n’y a que deux issues : c’est la mort ou la prison.”
Il évoque un épisode glaçant : la visite de Yan Goulou, le directeur de cabinet de Noureddin Bongo Valentin, dans sa cellule. “Il est venu dans ma cellule, il m’a clairement dit : Écoute, je porte tes vêtements, j’habite ta maison et après les élections […] je te mettrai 25 à 30 ans, c’est décidé !”. Pour Laccruche Alihanga, cette anecdote révèle la logique d’un pouvoir qui ne faisait pas de distinction entre rivalité politique et annihilation physique.
Le retour stratégique au sein de l’UDB
Aujourd’hui, Brice Laccruche Alihanga n’est plus un homme de l’ombre, mais un conseiller stratégique pour le parti du président Brice Oligui Nguema, l’UDB. Il affirme que 95 % des cadres du parti sont nouveaux et que l’inclusivité est la priorité. “Entre un système figé depuis soixante ans et une offre politique nouvelle, il faut laisser la chance au renouveau.”
En s’appuyant sur l’expérience qu’il a vécue au sommet de l’État, il se positionne comme un éclaireur revenu de l’abîme, capable d’identifier les dérives et de guider le pays vers le changement.
Concernant la justice, il ne prône pas la vengeance. Il se dit prêt à faire face à la justice de son pays. Il en appelle à ceux qui ont fui le Gabon, désormais en exil, de faire de même. “J’attends de même à ce qu’aujourd’hui, certains qui ont été libérés, qui sont à Londres, et qui sont en train de se faire soigner, puissent répondre de leurs actes quand la justice gabonaise qui est souveraine se rappelle à eux.” Une manière de se démarquer de ses anciens adversaires et de s’afficher comme un homme qui assume, même au prix de sa santé.
Ce témoignage, loin d’être un simple règlement de comptes, a un poids politique considérable dans le contexte électoral actuel, car il conforte le discours de “renouveau” de l’UDB et remet en cause la légitimité de ceux qui incarnent l’ancienne garde.