Rome : Transparence initiale, puis le brouillard
Initialement, le programme du couple présidentiel à Rome était clairement établi et abondamment relayé par la presse gouvernementale. Le Président et son épouse devaient assister à l’inauguration du pontificat du Pape Léon XIV, puis à une messe dédiée au Gabon à la Basilique Saint-Pierre. Le Président a également été reçu par la communauté Sant’Egidio, scellant un accord pour l’implantation d’un siège à Libreville. De plus, il a inspecté la résidence délabrée de l’ambassade du Gabon à Rome, ordonnant sa réhabilitation.
Jusqu’au 21 mai, les activités présidentielles à l’étranger restaient transparentes. Une publication attribuée à Oligui Nguema sur les réseaux sociaux de la présidence appelait même les Gabonais à la retenue face à l’indignation générale, suite à la décision de la Cour internationale de Justice en faveur de la Guinée équatoriale concernant la souveraineté des îles Mbanié, Corisco et Conga. Mais après cette date, la communication s’est brutalement interrompue. Le président de la République a purement et simplement disparu des radars médiatiques officiels.
Pourquoi le silence sur Paris ? L’Agenda officiel oublié
L’absence de communication autour de la présence d’Oligui Nguema à Paris est la source principale des spéculations. Alors que son déplacement à Rome était minutieusement détaillé, aucune mention n’a été faite d’un séjour dans la capitale française. Si la présidence gabonaise est restée muette, la réponse est venue de l’étranger. Le jeudi 22 mai, c’est la présidence congolaise qui a annoncé une rencontre à Paris entre Denis Sassou Nguesso et son homologue gabonais. Les discussions auraient porté sur la sécurité régionale et le renforcement des relations bilatérales.
Côté gabonais, le mutisme le plus total évoque une autocensure flagrante de la presse gouvernementale, qui a choisi d’ignorer la présence du chef de l’État dans une ville non inscrite à son agenda officiel. Pourquoi un tel secret ? La nature de cette “visite privée”, comme l’a qualifiée Africa Intelligence, contraste fortement avec le caractère “officiel” de la visite de Sassou Nguesso, soulignant une volonté délibérée de ne pas communiquer sur cette étape parisienne.
Le mystère s’épaissit davantage avec les révélations d’Africa Intelligence, qui fait état d’un véritable chassé-crois” à Paris impliquant les familles présidentielles du Congo, du Gabon, et même du palais de l’Élysée. La présence d’Oligui Nguema a aussi coïncidé avec l’arrivée de figures clés de l’ancienne famille présidentielle : Omar-Denis Junior Bongo, Noureddin Bongo et Pascaline Bongo. Ces rencontres discrètes, soulèvent des questions sur leur objectif.
Noureddin Bongo, fraîchement libéré après vingt mois de détention à Libreville a été reçu par sa tante Pascaline Bongo, qui s’est également entretenue avec son demi-frère Omar-Denis Junior Bongo. Le thème de ces discussions familiales, selon les informations, tournait autour du patrimoine des Bongo. Oligui Nguema, depuis sa prise de pouvoir, s’est engagé dans une vaste chasse aux actifs financiers de la famille d’Ali Bongo. Ces réunions parisiennes pourraient donc être liées à cette quête, tout comme au retour imminent d’Hervé Patrick Opiangah au Gabon. l’ancien ministre des mines en fuite est soupçonné par la justice pour une affaire de mœurs, intervenu subitement au lendemain de son appel à voter non au référendum de novembre dernier pour l’adoption d’une nouvelle constitution.
Par ailleurs, Henri-Claude Oyima, l’actuel ministre de l’Économie et patron de BGFIBank, souvent considéré comme le banquier de l’ancienne famille présidentielle, est également à Paris. Arrivé hier après une interview accordée à TV5 Monde, il a rejoint la délégation présidentielle, ajoutant un élément clé à ce tableau complexe de rencontres discrètes.
Le 23 mai, Brice Clotaire Oligui Nguema a finalement été reçu pour un déjeuner en tête-à-tête avec le président français Emmanuel Macron, un fait également révélé par Africa Intelligence, et a eu une audience avec Rémy Rioux, directeur de l’Agence française de développement.
Ce séjour prolongé et ses multiples facettes, mêlant visites officielles à Rome et rencontres discrètes à Paris, interrogent sérieusement sur les véritables motivations et l’emploi du temps précis du chef de l’État gabonais. Pourquoi cette opacité autour de sa présence à Paris ? Et que révèlent ces rencontres secrètes au lendemain de l’investiture d’Oligui Nguema en qualité de président de la République.