Harold Leckat, le juriste devenu journaliste par nécessité
En 2016, il fonde Gabon Media Time, un média digital qui deviendra rapidement la première plateforme d’information indépendante du pays. Avec l’économiste Mays Mouissi, il co-signe le rapport retentissant « 105 promesses, 13 réalisations : le bilan du second septennat d’Ali Bongo Ondimba », une radiographie froide et implacable de la vacuité du régime déchu. À l’époque, l’acte est audacieux, presque suicidaire. La répression est constante, les convocations policières récurrentes, et la menace plane non seulement sur lui mais aussi sur ses proches et ses collaborateurs.
« Je l’ai fait au péril de ma vie », confie-t-il aujourd’hui. Ce combat, Harold Leckat ne l’a pas mené pour la gloire mais pour le droit fondamental du peuple à l’information. Juriste de formation, journaliste par conviction et entrepreneur par devoir, il a su transformer sa plume en arme et son média en bastion de résistance. Pourtant, paradoxe cruel, celui qui a contribué à briser l’omerta se retrouve aujourd’hui marginalisé dans un pays qu’il a aidé à libérer de la chape de plomb Bongo-PDG.
Des confrères marqués par la répression
Harold n’est pas seul dans ce panthéon de la presse résistante. Désiré Ename, directeur de publication des Échos du Nord, a dû s’exiler en France pour échapper aux représailles, laissant son adjointe Raïssa Oyasseko porter le flambeau. Orca Boudiandza Mouele, directeur du publication de La cigale enchantée, Pharel Boukika, directeur de publication de Dépêche241, Guy Pierre Biteghe, patron du Mbandja, a multiplié les combats contre l’opacité du régime. Alphonse Ongouo, fondateur de La Loupe et de L’Aube, a payé de multiples suspensions la liberté de ton de ses rédactions.
D’autres noms résonnent avec force : François Ndjimbi de GabonReview, frappé d’une sanction de six mois dont son journal peine encore à se relever ; Yves Laurent Ngoma, correspondant de RFI et « président fondateur » de Gabonactu comme il aime se présenter, constamment menacé par le pouvoir déchu et aujourd’hui relégué dans l’ombre ; Telesphore Obama Ngomo, Francis Edou Eyene, ou encore Chamberlin Moukouama, brutalement suspendu de Gabon 1ère pour avoir osé donner une voix critique sur la télévision publique.
Un combat inachevé pour la liberté de la presse
Ces figures ont en commun d’avoir affronté, parfois seuls, une machine répressive qui cherchait à faire taire toute dissidence médiatique. Elles ont tenu, souvent au prix de leur sécurité et de leur stabilité professionnelle. Mais là
où la logique voudrait qu’ils soient honorés, protégés, célébrés, nombre d’entre eux vivent aujourd’hui dans la marginalisation et l’oubli.
Le 30 août ne peut pas être réduit à une date commémorative. Il doit être l’occasion de rappeler que sans presse libre, il n’y a pas de démocratie vivante. Le sacrifice d’Harold Leckat et de ses confrères n’aura de sens que si la République leur rend la place qui leur revient : celle de pionniers d’une libération qui s’écrit aussi à l’encre des journaliste