Près de deux ans après son coup de force, celui qui a bâti son image sur un populisme séduisant, en fédérant les couches populaires juste après avoir renversé Ali Bongo, et qui s’est fait élire démocratiquement avec un score digne de l’ère soviétique, a indéniablement perdu de sa superbe en ce mois de juin 2025. Trois séries d’événements malheureux, à tort ou à raison, ont entaché son début de mandat. Quant à nous, les 5,15% qui avions voté pour l’opposition (voire qui avions boudé les urnes, anticipant une élection jouée d’avance), nous pouvons, avec un brin d’amertume, nous réjouir d’avoir eu raison, peut-être un peu trop tôt.
Certes, de bonne foi, on pourrait pardonner à Oligui Nguema le retour intempestif des délestages ou l’arrêt de la Cour Internationale de Justice en faveur de Malabo dans le litige frontalier de Mbanié. Ces facteurs, étant exogènes, ne relèvent pas directement de son contrôle. Mais la même indulgence est difficilement applicable à la libération de Sylvia et Noureddine Bongo sans procès – un procès qui ne risque jamais de se tenir.
Leur remise en liberté, suivie de leur départ du pays aux côtés d’Ali Bongo, “à l’angolaise” (pour ne pas dire “à l’anglaise”) au profit d’un règlement familial à l’amiable, mais au détriment de la justice et surtout de la manifestation de la vérité, a profondément déçu la majorité des Gabonais, et plus particulièrement les couches populaires qui avaient voté pour Oligui Nguema. Beaucoup, naïvement, avaient cru à la tenue d’un procès exemplaire. Mais nous, les 5,15% restants, savions pertinemment que cette affaire n’aurait pas de véritable suite judiciaire au regard des multiples vices de forme dans la procédure judiciaire. On nous a taxés de souffrir du syndrome de Stockholm, de soutenir nos anciens bourreaux. Pourtant, notre démarche n’était pas de défendre les Bongo, mais de défendre l’État de droit. Encore une fois, nous avons eu raison, peut-être trop tôt.
Depuis le 2 juin, le gouvernement procède à la démolition et au déguerpissement de milliers d’habitations dans les quartiers de Plaine-Orety et Derrière l’Assemblée nationale, le tout sans dédommagement pour les populations.
La ministre et porte-parole du gouvernement, Laurence Ndong, a bien tenté de justifier cette action par la volonté de modernisation de Libreville, regrettant le désarroi des populations tout en rejetant la faute sur le régime précédent. Cependant, elle a soigneusement éludé la question cruciale des indemnisations. Les populations impactées ont-elles été indemnisées ? Si oui, pourquoi ne pas publier la liste des bénéficiaires et les montants alloués ? Encore une fois, nous les 5,15% n’avons pas été surpris, et surtout nous n’avons pas oublié. La porte-parole du gouvernement, et ancienne ministre de la Communication, n’a jamais répondu à la sollicitation des confrères qui ont toujours dénoncé l’opacité dans l’attribution de la subvention de la presse et ont toujours exigé la publication de la liste des médias bénéficiaires et les montants alloués, en vain.
Alors, les 94,85 % faisant partie des déguerpis de Plaine-Orety et Derrière l’Assemblée nationale, désormais sans toit, CBON ? En attendant notre prochaine chronique, vive la Ve République !