Un héritage à revoir et une nouvelle école à construire
Pour Marcel Libama, il est impératif de rompre avec l’héritage des précédentes administrations. Selon lui, il est inconcevable de continuer avec “la même école d’Omar Bongo, avec la même école d’Ali Bongo”. Il appelle de ses vœux la construction d’une “nouvelle école” qui soit en phase avec les aspirations des nouvelles autorités. Une école qui, d’après ses propos, devrait remettre l’éducation publique au centre des priorités.
Un budget public détourné pour le privé ?
Le député pointe du doigt une contradiction flagrante : l’incapacité de l’État à construire des établissements scolaires, alors que des individus au sein même de l’État y parviennent. Il s’interroge sur un éventuel détournement des fonds destinés à la construction d’écoles publiques.
Il a notamment cité l’exemple de l’école le Ruban vert, construite par l’ancienne première dame Sylvia Bongo Ondimba. Il a fustigé les frais de scolarité exorbitants de cette école, inaccessibles au commun des Gabonais, tout en soulignant le paradoxe des dirigeants qui, au lieu de promouvoir l’enseignement public, font la promotion du privé.
Le privé : la conséquence de l’abandon du public
Selon Marcel Libama, la forte présence du secteur privé n’est pas un phénomène nouveau. Il rappelle que dans les années 70, les écoles privées n’existaient pratiquement pas. C’est l’absence d’investissements dans le secteur public qui a créé un marché, permettant au privé de s’installer massivement.
Il évoque le phénomène des “mi-temps”, des “classes à double flux” et des “classes multigrades” qui ont marqué les années 80, causés par le manque d’infrastructures et de formation des enseignants. Aujourd’hui, on trouve des écoles partout : dans des maisons, des églises, ou des chambres. Pour le syndicaliste, le nombre d’établissements privés a dépassé celui du public. Il a insisté sur le fait que confier une grande partie du système éducatif au privé est “très dangereux pour un État”.
L’État défaillant dans son rôle de régulateur
En tant qu’ancien enseignant ayant “fait près de 30 ans à la craie”, Marcel Libama a partagé son expérience personnelle, affirmant n’avoir jamais reçu la visite d’un inspecteur pendant toute sa carrière. Cela, selon lui, témoigne de l’insuffisance du nombre d’inspecteurs pour contrôler les établissements publics, et à fortiori les établissements privés.
Il a souligné le rôle essentiel de l’État en tant que régulateur, responsable de contrôler la qualité des enseignements, des enseignants, des infrastructures, des programmes et même la sécurité des élèves. Pour lui, l’absence de ce contrôle met le pays en danger.
Un business autour de l’école
Le député a qualifié le système éducatif privé de “business”, où l’État, qui a failli, se retrouve à envoyer ses élèves dans ces écoles “mouroirs”. Il a dénoncé le détournement de ce qui devrait être une mission de service public en une source de profit. Il a expliqué qu’en raison du manque de places dans les établissements publics, des élèves sont envoyés dans des écoles privées, parfois appartenant à des proches.
Selon ses propos, ces écoles reçoivent des subventions de l’État, qui peine à les verser. Conséquence : les élèves sont souvent menacés de suspension de cours, et les parents sont parfois contraints de payer à la place de l’État.
Finalement, Marcel Libama a mis en lumière les activités commerciales qui se développent autour des écoles privées, au-delà des simples frais de scolarité. Il a cité en exemple la vente d’uniformes (parfois importés de Dubaï ou de Turquie), la présence de restaurants ou de bus scolaires, faisant de l’école une véritable “activité économique”.
Conclusion
En pointant du doigt les défaillances de l’éducation publique et la dérive mercantile du secteur privé, Marcel Libama met en évidence une crise profonde qui menace l’avenir de notre système éducatif. Ses propos soulignent le besoin urgent de réformes structurelles, d’investissements conséquents et d’une régulation plus stricte pour garantir à tous une éducation de qualité. Sa critique résonne comme une nécessité impérieuse pour redéfinir les bases d’un système éducatif qui ne soit plus un business, mais un levier de développement et d’égalité à travers des assises de l’Education nationale. Maintenant, sera-t-il entendu par les plus hautes autorités de la République ?