Ali Bongo n’a connu ni la prison, ni l’exil forcé, ni même la justice.
C’est un sort exceptionnellement enviable comparé à celui de plusieurs de ses homologues du continent, à l’instar d’un Blaise Compaoré, d’un Ben Ali ou d’un Yahya Jammeh, tous déposés par la force. Renversé par sa propre garde rapprochée, le 30 août 2023, sous l’impulsion de l’actuel homme fort du pays, Brice Clotaire Oligui Nguema, l’ancien président a échappé au destin souvent, et rapidement, réservé aux chefs d’État déchus en Afrique.
Le bras de fer d’une résilience inattendue
Affaibli par la maladie, même privé de son pouvoir, et pourtant maintenu en résidence surveillée, Ali Bongo s’est lancé dans un bras de fer inattendu contre les nouveaux maîtres du Gabon, faisant preuve d’une résilience là où d’autres se seraient inclinés sans murmurer.
Au lendemain du coup d’État, alors que le nouveau pouvoir le pressait de quitter le pays — en lui garantissant pourtant tous les privilèges dus à un ancien chef d’État —, Ali Bongo opposa une fin de non-recevoir catégorique. Son exigence : l’assurance d’un départ en exil conditionné à la libération immédiate de son épouse Sylvia et de leur fils Noureddin.
Malgré un tissu de pressions – politique (lâché par sa propre formation politique, le Parti Démocratique Gabonais), financière (ses comptes gelés le rendant incapable de régler les factures de sa cossue résidence) et même psychologique (avec de prétendus vols survenus chez lui) – l’ancien locataire du Palais Rénovation resta stoïque.
Victoire politique et soutien discret
Coupé du monde extérieur depuis sa résidence, Ali Bongo a pourtant réussi à maintenir un certain poids diplomatique. Il a reçu la visite de chefs d’État, et a surtout rallié le soutien discret mais ferme de nombreux pays africains, comme l’Angola. Ces derniers ont conditionné le retour du Gabon au sein de l’Union africaine — dont il avait été suspendu — à la libération de Sylvia et Noureddin et à leur départ en exil.
Après deux longues années de cette confrontation silencieuse, Ali Bongo a finalement obtenu gain de cause : son épouse et son fils ont été libérés et ont pu quitter le Gabon. Fait notable : durant tout ce temps, et malgré quatorze ans de magistrature suprême, l’ancien président n’a jamais été entendu par le moindre juge au sujet de sa gouvernance, un privilège rare pour un chef d’État déchu sur le continent.
Un régime terni par la contre-attaque
Désormais libre de leurs mouvements, l’ancienne famille présidentielle a immédiatement riposté, lançant une offensive judiciaire et médiatique contre le président Brice Clotaire Oligui Nguema et son régime.
Le bilan est lourd. Le nouveau pouvoir se trouve désormais gravement terni par les allégations de spoliation et de torture portées par Ali Bongo et sa famille, ainsi que par une justice jugée instrumentalisée, notamment par l’organisation d’un procès par contumace programmé d’avance.
Deux ans plus tard, le sentiment dominant est amer : le “coup de libération” du 30 août 2023 apparaît de plus en plus comme un rendez-vous manqué pour la justice et, par extension, pour la démocratie.










