Le Gabon ne bénéficie actuellement d’aucun programme avec le FMI. Le dernier, un programme triennal soutenu par le FMI et approuvé en août 2021, a été suspendu. La raison ? Des difficultés rencontrées et une troisième revue non validée par l’institution financière, une situation héritée de l’ancien régime du président déchu Ali Bongo.
Pourtant, Libreville souhaite ardemment un nouvel accord pour bénéficier d’un financement frais. Une délégation du FMI est même attendue en juin prochain. Mais l’ambiance promet d’être tendue. Henri-Claude Oyima a été catégorique sur TV5 Monde Afrique : la croissance et la souveraineté passent avant la dette. Une position audacieuse quand on sait que le FMI table sur une dette publique gabonaise supérieure à 80 % du PIB cette année, contre 63 % en 2022. Le Fonds pourrait vouloir imposer une cure d’austérité, potentiellement au détriment du programme de société du président Brice Clotaire Oligui Nguema, “Bâtissons l’Édifice Nouveau”, pour lequel il a été plébiscité lors de l’élection présidentielle du 12 avril dernier.
La doctrine Oyima : Souveraineté et développement d’abord
« Diminuer la dette n’est pas un objectif pour nous. Le Gabon a besoin d’un programme de croissance et de développement. L’objectif pour nous aujourd’hui est de faire en sorte que toutes les promesses du président de la République aux Gabonais se réalisent. C’est-à-dire, rendre aux Gabonais leur dignité, leur souveraineté — souveraineté énergétique, souveraineté budgétaire, souveraineté économique et souveraineté alimentaire. C’est désormais le projet et le programme qui est le mien : veiller à ce que tous les engagements pris par le président de la République envers les Gabonais se concrétisent. », a-t-il déclaré sur le plateau du journal TV5 Monde Afrique le 26 mai dernier. cette déclaration pourrait marquer un véritable tournant. Elle place résolument la souveraineté et le développement national au-dessus des impératifs de réduction de la dette dictés par les institutions financières internationales. Le Gabon affiche sa volonté de ne plus se plier aux injonctions externes.
Un nouveau paradigme pour l’Afrique ?
Pour Saint-Clair Eyene, journaliste économique, interrogé par notre rédaction, cette prise de position est « à la fois innovante et pédagogique ». Selon lui, elle signifie que « l’heure du diktat des institutions internationales est quelque peu révolue ». Il insiste sur la nécessité d’une assistance du FMI qui soit « beaucoup plus réaliste et adaptée à nos besoins », loin des dogmes du passé.
Eyene perçoit dans cette démarche une opportunité pour le Gabon de proposer ses propres réformes, invitant le FMI à les « amender ou alors réajuster » plutôt qu’à les imposer. Il rappelle les « très mauvais souvenirs des années 90 » en Afrique, où les plans d’ajustement structurels du FMI, souvent déconnectés des réalités locales, ont mené à un « fiasco général » et ont « plongé nos économies dans la catastrophe généralisée ».
« Ce que nous pouvons retenir de la sortie de Henri-Claude Oyima, c’est cette nouvelle approche, cette innovation qui désormais devra faire tache d’huile à travers tout le continent afin que la relation entre le FMI et nos États soit de plus en plus équilibrée, » affirme Saint-Clair Eyene.
En tant que spécialiste de la finance et du secteur privé, Henri-Claude Oyima est perçu comme un négociateur avisé, capable de naviguer les complexités des partenariats institutionnels. Cette nouvelle approche gabonaise pourrait signifier que le pays « ne sera plus assujetti à avaler les pilules qui ne sont pas du tout sucrées, des pilules amères pour ne pas le dire. »
En somme, au-delà du seul cas gabonais, Henri-Claude Oyima semble lancer un appel à l’ensemble des États africains : celui de repenser et rééquilibrer leurs relations avec les bailleurs de fonds internationaux. L’objectif est de privilégier des partenariats qui servent véritablement le développement local plutôt que des cures d’austérité potentiellement dévastatrices. Ce bras de fer pourrait bien marquer le début d’une nouvelle ère dans les relations entre l’Afrique et les institutions financières mondiales.
Le Gabon est-il en train d’écrire une nouvelle page dans les relations entre les pays africains et les institutions financières internationales ?