De la promesse d’avenir à la “réalité crue”
Bilie-By-Nze a débuté par un rappel douloureux des espoirs soulevés par le coup d’État de 2023 : “L’annonce par les auteurs du coup d’État de la mise en place du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions CTRI résonnait comme la promesse d’un nouvel avenir.” L’objectif affiché était de mettre fin au régime précédent, de restaurer la confiance démocratique, et de rendre sa dignité au Gabonais.
Pourtant, près de deux ans plus tard, le tableau est sombre. “La promesse d’un essor vers la félicité a bien pâli,” a-t-il déploré. L’ancien chef du gouvernement a martelé que le double scrutin de septembre, censé tourner la page, a plutôt révélé une “réalité crue” : “Loin d’avoir corrigé les errements du passé, le pouvoir militaire n’a fait que recycler à son profit ce qu’il prétendait dénoncer.”
Le scrutin, un “naufrage” marqué par la fraude massive
Le cœur de l’intervention a porté sur les irrégularités qui ont, selon lui, transformé ce vote en “naufrage.” Ces entorses à la loi, qu’il qualifie de “si graves”, ont été dénoncées par un front uni allant des anciens Premiers ministres aux parlementaires de la Transition, des hauts fonctionnaires aux milliers de citoyens. Il ne s’agit pas de “simple cas isolé et anecdotique,” mais de “mouvements d’ensemble ayant touché la quasi-totalité des circonstances électorales du pays et de la diaspora.”
Parmi les pratiques décriées, il a cité : l’usage quasi-systématique et abusif des procurations pour le parti présidentiel, le bourrage d’urne, les isoloirs transparents, les transferts massifs d’électeurs, l’absence de bulletins de certains candidats, des PV remplis au crayon ou des résultats finaux contredisant les procès-verbaux.
“Ces pratiques, mesdames et messieurs, rappellent étrangement les accusations formulées par le CTRI lui-même pour justifier la prise de pouvoir,” a-t-il souligné, s’étonnant de les voir “reproduire la même chose en pire.” Il a également pointé du doigt la Cour constitutionnelle pour avoir autorisé le ministère de l’Intérieur à violer la loi, notamment concernant l’authentification des bulletins de vote, y voyant une “violation manifeste de la transparence.”
L’opposant a conclu cette partie en dénonçant une “nomination électorale” où le “fait du prince” supplante le choix de l’électeur, aboutissant à des résultats sans “aucune espèce de crédibilité.”
L’échec de la Transition et l’interpellation solennelle
Bilie-By-Nze a accusé la Transition d’avoir renforcé l’hyper-présidentialisation du régime au lieu de la rendre plus responsable. Il a fustigé la création d’un nouveau parti propulsé au centre de la vie politique, qui s’allie avec le PDG, le même parti chassé du pouvoir en 2023. Cette transition, selon lui, “se révèle n’être qu’une continuité masquée.” Il s’interroge : “Que faire maintenant que le parti présidentiel et le ministère de l’Intérieur viennent à leur tour de tronquer les élections ? Faut-il un nouveau coup d’État ? Ce ne serait pas la solution.”
Face à cette “fraude à grande échelle,” l’opposant a réclamé une action radicale pour laver l’ignominie de ce fiasco : l’annulation pure et simple de ces élections. La tenue de nouveaux scrutins devra être conditionnée à des gages de transparence clairs : le limogeage de la chaîne responsable du désastre, la mise à plat du fichier électoral, la suppression des procurations et l’interdiction de la transhumance électorale.
En conclusion, l’ancien Premier ministre s’est adressé directement au chef de l’État, le plaçant devant un point de bascule historique :
“Monsieur le Président, vous avez perpétré un coup d’État le 30 août 2023 pour refuser, selon vous, que les résultats tronqués d’une élection maintiennent au pouvoir celui qui n’a pas gagné. Les Gabonais vous ont applaudi pour cela. Vous n’avez pas le droit aujourd’hui de laisser prospérer les résultats tronqués d’une élection bâclée.”
Il a conclu son avertissement par une mise en garde solennelle : soit il écoute les “voix lucides” et sauve sa crédibilité, soit il écoute les “faucons” et “prouve aux yeux du monde que le coup d’État du 30 août 2023 n’était pas une manière de rétablir la démocratie, mais une simple volonté de remplacer celui qui était là. Le peuple vous regarde, le peuple vous attend.”










