L’État, un “partenaire toxique” pour les entrepreneurs
Harold Leckat Igassela n’y va pas par quatre chemins : l’entrepreneur gabonais est “puni” plutôt que soutenu. “Ce n’est pas seulement une absence de volonté politique, c’est une défaillance systémique de l’État”, affirme-t-il. Il pointe du doigt le non-paiement des prestations malgré l’exécution des contrats, qu’il qualifie de “trahison de la parole publique”. Pour lui, “produire ne garantit pas d’être payé” au Gabon, et “créer des emplois devient une prise de risque contre l’État lui-même”. Dans ce contexte, l’idée même d’un “essor vers la félicité ou d’indépendance économique” est illusoire.
L’instabilité administrative est un autre point noir. Harold Leckat déplore qu’un simple changement de directeur général dans une entreprise publique puisse balayer tous les engagements précédents, même des contrats validés par la Direction générale des Impôts. “Ces dirigeants s’érigent en juges de la validité de contrats”, regrette-t-il, soulignant que cela “piétine la légalité, fragilise les entreprises et désorganise l’économie nationale”. Il conclut qu’un “climat des affaires restera toxique et les statistiques du chômage ne baisseront pas” tant que la sécurité contractuelle ne sera pas garantie.
L’hypocrisie de la promotion de l’entrepreneuriat local
Malgré les discours officiels qui érigent l’entrepreneuriat local en priorité, la réalité du terrain est toute autre. “Ce n’est pas seulement de l’hypocrisie, c’est de la communication politique vide, presque cynique”, lance Harold Leckat. Il dénonce l’abandon des entrepreneurs, confrontés à des arriérés de paiement qui peuvent durer des mois, voire des années. Il fustige la contradiction entre les statistiques de création d’entreprises de l’ANPI-Gabon et le fait que “80 % d’entre elles ne passeront pas le cap des cinq ans, faute de commandes fiables, de financements, de stabilité”. Pour lui, il est urgent de sortir du “folklore des panels des forums et conférences” pour se confronter à la “réalité du terrain”, car “pendant qu’on parle d’émergence, les PME gabonaises meurent en silence”.
Le secteur de la communication, un parent pauvre
Le PDG de Global Media Time insiste aussi sur le traitement du secteur de la communication et de la presse, perçu comme un “accessoire”. Ce désengagement, selon lui, s’explique par le fait que “la communication dérange quand elle est libre, et rassure seulement quand elle est domestiquée”. Il critique la vision du pouvoir gabonais qui a trop longtemps considéré la presse comme une “courroie de transmission” plutôt qu’un “partenaire démocratique”. Résultat : un secteur “sous-financé, précarisé, marginalisé”, alors même qu’il est “un des piliers de l’État de droit”.
Un appel direct au président Oligui Nguema
Interrogé sur le serment du président de la République, Oligui Nguema, promettant justice, État de droit et bien-être du peuple, Harold Leckat lui adresse un message clair : “Ce serment, Monsieur le Président, vous engage à être juste envers tous, pas seulement envers les plus proches ou les plus visibles.”
Il implore le chef de l’État de penser aux entrepreneurs “qui se battent pour payer leurs salariés pendant que leurs factures dorment dans les tiroirs de certaines administrations non pas par manque de fonds mais par la volonté des directeurs généraux tout puissants”.
Pour Harold Leckat, la “vraie souveraineté économique commence par la protection de ceux qui produisent localement, ceux qui emploient 5, 10 voire 15 personnes”. Il exhorte Oligui Nguema à “restaurer la sécurité contractuelle, la justice économique, et l’égalité d’accès à l’opportunité” pour que son serment prenne “tout son sens” et ouvre la voie à un “essor à tous vers la félicité”.