Le mirage des éco-lodges : 10 milliards de francs CFA en question
Au sommet de la pile des dossiers instruits figure le programme de construction de six éco-lodges de luxe. Annoncés en grande pompe pour relancer le tourisme durable, ces chantiers n’auraient jamais vu le jour. Sur le terrain, les enquêteurs n’ont trouvé ni briques, ni fondations, malgré la mobilisation de fonds publics estimés à près de 10 milliards de francs CFA. « On a vendu du rêve sur papier glacé, mais la réalité est celle d’un terrain vague », résume une source proche du dossier.
Une gestion « familiale » des comptes publics
L’aspect le plus accablant de l’enquête concerne la méthode de décaissement des fonds. Les documents bancaires, notamment les comptes BGFI et CDC, mettent en lumière une concentration inhabituelle de proches du ministre aux postes clés de la gestion financière. L’enquête révèle que des membres du cercle familial direct, tels que sa belle-sœur secrétaire de cabinet, sa nièce secrétaire particulière ou son frère chef du protocole, auraient eu un accès direct aux signatures et aux retraits de chèques.
Cette configuration incluait également le premier cercle collaboratif, composé du directeur de cabinet et de plusieurs conseillers personnels présentés comme des amis de longue date. Cette “privatisation” des mécanismes de l’État constitue le cœur de l’accusation de conflit d’intérêts. L’année 2025 aurait même vu une réorganisation interne plaçant la belle-sœur du ministre au centre de tous les décaissements majeurs après le retrait du conseiller financier.
Le dossier Moanda et l’ombre du Cap-Caravane
Au-delà de la gestion courante, deux affaires spécifiques aggravent le cas de l’ex-ministre. Il y a d’abord l’énigme des 2,6 milliards de francs CFA destinés à l’achat ou au paiement de l’hôtel de Moanda, une somme qui se serait volatilisée sans laisser de trace dans la comptabilité des prestataires. Par ailleurs, l’enquête revient sur l’affaire plus ancienne du Cap-Caravane concernant l’attribution sans appel d’offres d’un projet de barge flottante à une entreprise liée directement à Pascal Ogowe Sifon. Ce passage en force contrevenait, selon les observateurs, aux règles élémentaires du Code des marchés publics.
Vers une détention provisoire ?
L’audience de ce jour marque la volonté des autorités de rompre avec l’impunité. Pour les experts juridiques, le non-paiement des prestataires et la rupture des engagements contractuels ne sont plus de simples litiges civils, mais peuvent être qualifiés de manquements graves à l’éthique républicaine. À l’heure où nous écrivons ces lignes, le juge d’instruction examine les preuves documentées. Plusieurs options s’offrent à lui, allant de la mise en examen avec contrôle judiciaire au placement immédiat en détention provisoire pour garantir le bon déroulement de l’instruction.










