Avec les élections sénatoriales qui s’effectueront le 07 novembre 2025, le Gabon parachèvera sa transition car il se sera donné toutes les institutions dont il aura besoin pour redevenir un Etat de droit et revenir définitivement dans le concert des nations du monde. Il restera à réaménager le pouvoir judiciaire par la désignation des 9 juges de la Cour constitutionnelle comme prévu par la constitution et la nomination des présidents de toutes les autres cours de ce pouvoir.
Une institution constitutionnelle ou non tient grâce à deux facteurs : la règle de droit ou le texte de loi (supposé de qualité) et les personnes qui doivent incarner l’institution. Parlant du texte portant création, organisation et fonctionnement, il faut juste dire qu’il doit être pertinent, robuste et adapté à la réalité culturelle ou civilisationnelle du peuple gabonais. Il ne fait aucun doute que les Gabonais ont suffisamment de génie intellectif pour produire des textes excellents. Textes qui peuvent être améliorés ultérieurement pour coller avec l’air du temps.
Mais, le texte législatif reste un entrelac d’écriture inerte, sans vie. Pour lui donner forme et consistance réelles, il faut des hommes et des femmes de qualité qui seront à même de le personnifier avec brio et compétence. Ces hommes et ces femmes doivent être forts. Forts d’esprit et forts dans leur moralité. Ils doivent s’élever au-dessus de toute considération humaine pour n’avoir à l’esprit que l’application stricte de la règle de droit dans l’intérêt supérieur de la nation. En matérialisant, par leur personne, l’institution définie par la règle de droit, ils lui transmettent ainsi leur force qui érige le texte législatif inerte en véritable organisation administrative vivante au service de l’Etat et des citoyens. En fait, avant qu’une institution ne soit forte, elle doit d’abord être incarnée primordialement par un homme fort ou une femme forte. La transmission de cette force se fera de l’Homme bien vivant au texte bien inerte. C’est ainsi que naissent les institutions fortes et pas autrement.
Si en Afrique subsaharienne, le cas du Sénégal en matière démocratique est emblématique, cela est dû en grande partie à la qualité du premier homme d’Etat qui incarna la première des institutions du pays, la présidence de la République. Léopold Sédar Senghor – qui n’a pas ma sympathie – reste à bien des égards un exemple brillant de démocrate africain dont le Sénégal peut être fier. Il a autorisé le bipartisme quand tous ses pairs s’arc-boutaient dans un monopartisme nihiliste. Il a certes commis des erreurs politiques mais a su quitter le pouvoir, de son plein gré et donc de fort belle manière. Il a ainsi mis la barre d’exigence démocratique très haut pour ses successeurs. Ces derniers ont dû être à la hauteur pour conserver le bel héritage senghorien légué. Abdou Diouf, malgré l’obstination de son entourage à le maintenir en fonction, a reconnu sa défaite face à Abdoulaye Wade. Lui-même, aura tenté en vain d’imposer son fils Karim Wade, mais Macky Sall et les institutions sénégalaises porteront un coup fatal à son triste dessein. Enfin, Macky Sall, démocrate reconverti sur le tard en doux dictateur ne réussira pas à s’accorder un troisième mandat interdit par la loi fondamentale de son pays. Ousmane Sonko y a courageusement veillé.
L’exemple sénégalais est patent. Le bon début d’une chose garantit, mieux qu’un mauvais départ, des perspectives heureuses que porte en elle ladite chose. Le Sénégal est désormais une réalité concrète, le Gabon une réalité à venir. Le président gabonais qui rebat les cartes de sa nation s’inspirera-t-il de l’exemple du Sénégal, pays qu’il connait par ailleurs pour y avoir vécu ? Nous allons nous oser à projeter une conjecture, certes discutable, mais qui se propose d’enrichir le débat sur cette question cruciale et fondamentale : comment bâtir durablement et sereinement la 5ème République ?
Le septennat d’Oligui Nguema, qui vraiment s’ouvre en janvier 2026 avec la fin de la transition et le pourvoi de toutes les institutions constitutionnelles, doit obligatoirement commencer sous de bons auspices pour augurer d’un succès du mandat entamé et surtout d’un ancrage profond de la 5ème République encore balbutiante. Pour réussir sa délicate entreprise, le président de la République devra imprimer un ton républicain dans sa gouvernance. Ce ton, à notre humble avis à des accents d’éthique et de géocompétence.
Quelle éthique républicaine ? La politique d’inclusivité initiée aux lendemains du coup de libération par le général-président a permis d’éviter la chasse aux sorcières et de ramener la sérénité dans tous les foyers gabonais. Mais les blessures sociales faites au peuple gabonais par l’ancien parti au pouvoir restent profondes, béantes et vives. Le Gabon doit cicatriser les plaies de l’âme des familles endeuillées pendant les 2 mandats d’Ali Bongo Ondimba. Il ne peut donc faire l’économie d’une Commission Vérité-Justice-Réconciliation, très attendue par les victimes. C’est la première exigence républicaine de la 5ème République. La seconde exigence porte sur la sanction que le président de la République doit infliger à tous les membres de son entourage qui ont eu des comportements ou actions repréhensibles pendant la transition et surtout lors des différentes campagnes électorales : détournements de fonds, abus d’autorité, trafic d’influence, tricherie électorale par la massification des procurations, transhumance électorale, … A titre d’exemple, un ministre ayant gagné aux élections législatives en trichant (?) doit quitter le gouvernement et rejoindre l’Assemblée nationale. Un ministre battu aux dernières élections ne peut demeurer au gouvernement. Si la sanction présidentielle touche les proches collaborateurs du chef de l’Etat, nul ne se targuera d’impunité et filera droit s’il veut maintenir sa place de choix auprès du Prince. C’est pour avoir oublié cela que les régimes précédents ont tous failli. Troisième et dernière exigence républicaine, outre la compétence avérée, la moralité (vertueuse) des collaborateurs du chef de l’Etat et des hauts fonctionnaires de l’administration centrale civile et militaire doit faire l’objet d’une attention toute particulière. Un bon entourage présidentiel serait profitable à toute la nation gabonaise qu’une coterie d’opportunistes véreux.
Quelle géocompétence oliguiste en lieu et place de la géopolitique bongomarienne ? Omar Bongo Ondimba peut, par sa ruse et son sens de la relation humaine dans la gestion politique, être un modèle pour Oligui Nguema. Mais cela doit s’arrêter là, car en matière de gouvernance et de développement, le fils de Jeanne Ebori a réussi l’exploit d’appauvrir les populations d’un Etat pétrolier qui se retrouve aujourd’hui dépourvu d’infrastructures modernes et indispensables. Cet échec est dû, nous en sommes convaincus, à la géopolitique qu’il pratiqua allègrement et qui saigna abondamment le Gabon occasionnant les baronnies politiques tribales se sentant impunies, la corruption massive élevée en mode de gouvernance, la déperdition des valeurs républicaines, la dépravation des mœurs sociales et la déliquescence morale dans toutes les échelles de la société gabonaise. La géopolitique a ruiné notre pays. Pour (re)bâtir le Gabon, il faut un nouveau concept : la géocompétence, c’est-à-dire, la préférence de la compétence sur l’origine géoethnique d’un gabonais quand vient l’heure de nommer l’Homme qu’il faut à la place qu’il faut.
Si la géopolitique s’organisait autour d’une nomination à l’arbitraire du chef de l’Etat (qui peut faire d’un chien un ministre), la géocompétence, elle, se propose d’encadrer, pour les postes les plus stratégiques et les plus importants, la décision de nomination du président de la République. Pour une fonction à pourvoir, le chef de l’Etat serait amené à choisir entre les 5 meilleurs curricula vitae proposés. On évoluerait de l’arbitraire (géopolitique) à la discrétion (géocompétence) en matière de nomination, et ce serait déjà un grand pas qualitatif dans la gouvernance de notre nation. Pour certaines fonctions très sensibles et stratégiques, le Parlement pourrait auditionner le candidat choisi par le président de la République sur les 5 propositions. Enfin, une enquête de moralité serait diligentée sur l’heureux élu avant sa prise de fonction. Les OliguiMen de la 5ème République devront, pour bâtir notre pays, passer par les fourches caudines du curriculum vitae, du Parlement et de l’enquête de moralité. Avec cette sélection qui ne laisse rien au hasard, le chef de l’Etat, Oligui Nguema s’assure ainsi qu’il a élevé aux fonctions les plus sensibles, les plus importantes et les plus stratégiques, les meilleurs des Gabonais, en s’entourant de toutes les précautions possibles. Il ne pourra être déçu, et son septennat commençant sous de bons auspices ne pourra se conclure que par un excellent bilan garantissant une probable réélection.
Mais le refus de la géocompétence aurait pour conséquence directe de maintenir l’inefficace géopolitique dont on connait les piètres résultats. Toute chose qui serait de nature à éloigner l’hypothèse d’un second mandat.
Libreville, le 17 octobre 2025
Le Conseiller du président, Apprenti-Sage
M. Ngomo Privat./-