Chers compatriotes,
Mesdames et Messieurs, observateurs attentifs de la vie publique,
Je prends la parole non pas comme candidate, mais comme citoyenne soucieuse de vérité et de justice. Mon objectif est de mettre en lumière la fragilité de notre démocratie et l’impuissance structurelle du Parlement sous la Constitution gabonaise de 2024.
À la veille des élections législatives, nous devrions nous réjouir : le peuple devrait retrouver sa voix et le Parlement son autorité. Dans toute démocratie digne de ce nom, c’est le moment où la souveraineté populaire s’exprime, où l’équilibre des pouvoirs se renforce, où le gouvernement se sait responsable devant la Nation.
Mais au Gabon, la réalité est tout autre. La Constitution de 2024 a réduit notre Assemblée nationale à une simple chambre d’enregistrement, incapable d’être un véritable contre-pouvoir.
I. Un Parlement privé de sa fonction de contre-pouvoir
La théorie constitutionnelle veut que le pouvoir législatif incarne la souveraineté populaire et serve de contrepoids à l’exécutif. Mais la pratique démontre l’inverse.
Le Parlement peut interpeller, questionner, recommander… mais il ne peut pas censurer. Ses résolutions n’ont aucune valeur contraignante. Même lorsqu’une loi est définitivement adoptée, le Président peut exiger une nouvelle délibération. Et si l’Assemblée persiste, il lui suffit de saisir la Cour constitutionnelle, dont chacun sait qu’elle statue presque toujours en sa faveur.
Ainsi, la loi n’est jamais véritablement l’expression de la volonté populaire : elle demeure soumise au veto permanent du Président.
II. Une opposition condamnée à l’impuissance
Que la majorité parlementaire soit présidentielle ou d’opposition, rien ne change.
• Avec une majorité, le Président impose ses choix sans résistance.
• Avec une opposition, il la neutralise grâce à la Cour constitutionnelle et au pouvoir de dissolution.
Dans les deux cas, l’Assemblée nationale n’est jamais un contre-pouvoir effectif, mais un organe dépendant et fragile.
III. Un déséquilibre institutionnel manifeste
Le Président concentre les fonctions de chef de l’État et de chef du gouvernement. Il nomme les ministres, définit les orientations, dispose du pouvoir de dissoudre l’Assemblée et, surtout, il n’est pas responsable devant elle. Face à cela, le législatif ne dispose d’aucun moyen réel pour limiter son autorité.
IV. Un judiciaire affaibli et dépendant
Le pouvoir judiciaire, censé être indépendant, souffre de graves faiblesses :
• Dépendance vis-à-vis de l’exécutif : les pressions politiques compromettent son impartialité.
• Manque de ressources : insuffisance de magistrats qualifiés, d’équipements et de moyens pour rendre une justice efficace.
• Influence politique : les nominations de magistrats et de présidents de juridictions sont trop souvent guidées par des considérations partisanes.
Pour garantir une justice impartiale et crédible, il est indispensable de :
• renforcer l’indépendance des nominations ;
• améliorer les moyens financiers et humains des juridictions ;
• promouvoir la formation et la déontologie des magistrats.
V. Un principe sacro-saint vidé de sa substance
La séparation des pouvoirs, principe cardinal de toute démocratie, n’est au Gabon qu’un fantasme. En pratique, ni le Parlement ni la justice ne disposent de la capacité d’équilibrer l’exécutif.
Ce constat n’est pas partisan. Ce n’est pas un discours de candidature, mais une déclaration citoyenne et juridique : un cri d’alarme face à la fragilité de notre système institutionnel.
VI. Pour une 6ème République
J’ai dénoncé dès le référendum de novembre 2024 les dérives de cette Constitution imposée par une classe politique tournée vers ses intérêts personnels, la « politique du ventre », et non vers l’intérêt général.
Aujourd’hui, j’en appelle solennellement à une 6ème République, fondée sur :
• le retour au bicéphalisme exécutif ;
• de véritables pouvoirs autonomes pour chaque institution ;
• des mécanismes clairs et effectifs d’équilibre des pouvoirs.
Le Gabon ne progressera jamais vers un véritable État de droit tant que son Parlement restera un pouvoir subordonné, incapable de représenter le peuple et de contrôler l’exécutif. Une démocratie sans séparation effective des pouvoirs n’est pas une démocratie, mais une mise en scène. Les élections législatives actuelles en sont la démonstration : elles servent davantage à renforcer le Président qu’à donner une voix au peuple.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Chers compatriotes,
Il est temps d’ouvrir les yeux. Le combat pour la démocratie ne se joue pas seulement dans les urnes : il se joue dans la refondation de nos institutions, afin que chaque pouvoir retrouve son rôle, son indépendance et sa dignité.
Voilà pourquoi nous parlons d’un déséquilibre structurel : la séparation des pouvoirs est superficielle, la démocratie est affaiblie, et le Parlement, loin d’être un contre-pouvoir, n’est qu’un organe secondaire, incapable d’imposer une orientation contraire à celle du Président.
Le Gabon ne pourra progresser tant que ce déséquilibre persistera. Seule une 6ème République, juste et équilibrée, permettra de redonner aux institutions leur légitimité et au peuple sa souveraineté.
Votre bien dévouée,
Maître Marlène Fabienne ESSOLA EFOUNTAME