Plusieurs événements récents illustrent cette fragilité. D’abord, à l’approche de la dernière élection présidentielle, le président équato-guinéen Obiang Nguema Mbasogo a publiquement appelé, en langue fang, la communauté fang au Gabon à voter pour Oligui Nguema. Ces propos ont été tenus lors de l’inauguration d’une ligne de raccordement électrique entre le Gabon et la Guinée-Équatoriale, dans le Woleu-Ntem.
En mai dernier, un autre épisode a soulevé des questions. Alors que le président Oligui Nguema avait promis de juger Sylvia et Noureddin Bongo pour des détournements et falsifications présumés, il a finalement cédé à la pression internationale, notamment celle du président angolais João Lourenço. L’ancienne famille présidentielle a été autorisée à partir en exil, en contradiction avec les engagements des autorités de la transition. Dans la même période, la Cour internationale de justice a statué en faveur de Malabo dans le conflit frontalier qui l’oppose à Libreville pour le contrôle des îles Mbanié et Corisco, après plus d’un demi-siècle de contentieux.
Enfin, à la veille de la clôture des candidatures pour les législatives et les locales, le président congolais Sassou-Nguesso est intervenu directement dans les affaires politiques gabonaises. Il a réuni au Congo les deux factions rivales de l’ancien parti au pouvoir, le Parti Démocratique Gabonais (PDG) : celle menée par Blaise Louembe, proche du nouveau régime, et celle d’Ali Akbar Onanga Y’Obegue, fidèle à Ali Bongo. L’objectif était de forcer une réconciliation, une démarche perçue comme une ingérence.
Alors que le gotha politico-administratif, au pouvoir, célèbre aujourd’hui la souveraineté du pays depuis la tribune officielle face au bord de mer, devant un défilé des forces de défense et de sécurité, on ne peut s’empêcher de penser que les pères fondateurs de la République et tous les anonymes qui ont bâti la nation doivent se retourner dans leur tombe.