Par Fourou Nestor
Le récent Conseil des Ministres, censé marquer une nouvelle étape de la “reconstruction” du Gabon, soulève plus d’interrogations qu’il n’apporte de solutions, notamment concernant l’effort national et l’alignement des actes politiques avec le discours de rigueur.
Une nouvelle taxe, un ancien fardeau
L’annonce de l’intégration d’une nouvelle taxe foncière, sensée générer 8 milliards de francs CFA et intégrée directement à la facturation de la SEEG, a été accueillie avec scepticisme. Pour beaucoup, cette mesure reconduit la stratégie consistant à faire peser l’effort de redressement sur le peuple, tandis que les dépenses publiques des responsables politiques restent conséquentes.
L’argument est clair : après 65 ans de mauvaise gouvernance ayant mené le pays à un état de délabrement malgré ses richesses, ce sont d’abord les dirigeants qui devraient “serrer la ceinture”. L’option d’une chasse aux gaspillages dans les budgets alloués aux responsables politiques est brandie comme une alternative plus juste. Une économie de 8 milliards pourrait, par exemple, être recherchée en diminuant légèrement les Fonds Souveraineté (budgétisés à 156 milliards en 2026), les dotations aux fondations, ou par la cession d’actifs non essentiels. Essorer le peuple une fois encore, n’est pas la voie de la justice.
Mais l’incohérence ne se limite pas à la pression fiscale…
Le contraste entre le titre de presse véhiculé par de nombreux médias – “Fin de la Récréation” – et certaines nominations est frappant. Ce slogan, déjà utilisé sous l’ère d’Omar Bongo, semble perdre de sa crédibilité lorsque des personnalités entachées par des scandales sont recyclées à de hautes fonctions.
La nomination de Persis Lionel Essono Ondo, précédemment pris en faute de falsification de parcours professionnel et débarqué du FGIS, soulève une question fondamentale : ce qui n’est pas jugé sérieux pour une institution de gestion de fonds l’est-il pour la diplomatie, l’éducation nationale, l’economie & les finances, ou l’énergie ? Cette décision est perçue comme une profonde incohérence avec le discours de “changement” et de “rupture” prôné par le gouvernement, faisant craindre un retour à une politique de “bras d’honneur” aux citoyens.
L’accès aux marchés publics : Un terrain réservé
Enfin, la condition désormais imposée aux entrepreneurs — d’abord exécuter les travaux pour être payés par l’État après — risque de verrouiller l’accès aux marchés publics gabonais. Si cette mesure vise théoriquement à responsabiliser, elle pose un problème de trésorerie majeur.
Dans un pays où la richesse s’est concentrée, en 65 ans, entre les mains d’une oligarchie de fonctionnaires insatiables et d’un cartel d’opérateurs économiques étrangers (libano-syriens, ouest-africains, occidentaux), seuls ces derniers auront la capacité financière d’avancer les fonds nécessaires pour des projets d’État. Cette nouvelle règle pourrait, de facto, exclure les PME gabonaises, limitant l’accès aux grands contrats aux seules entités déjà bien établies, et perpétuant ainsi un système d’inégalités et de dépendance économique.
Le récent Conseil des Ministres, au lieu de clarifier le chemin, a mis en lumière une série de contradictions troublantes entre la volonté affichée de rigueur et les choix politiques concrets.
« La fin de la récréation » doit commencer par ceux qui gouvernent, pas par ceux qui souffrent.










