Confusion entre droit commercial et droit pénal
Pour le Dr. Aubiang Nzeh, la qualification de « détournement de deniers publics » ne tient pas à l’examen juridique. La CDC, en tant qu’Établissement Public à Caractère Industriel et Commercial (EPIC), est soumise au Code des marchés publics mais le contrat avec l’entreprise GMT doit être analysé selon le droit commercial – et non comme un marché public administratif.
Plus fondamentalement, le Code pénal gabonais (Art. 506) réserve le délit de détournement aux personnes dépositaires de l’autorité publique ou comptables publics. Un prestataire privé comme Harold Leckat « ne détient ni mandat de service public ni fonction de dépositaire de fonds publics », souligne l’expert. L’assimilation d’un différend contractuel à une infraction pénale procède ainsi « d’une interprétation politique que d’une lecture juridique rigoureuse. »
La compétence bafouée du juge commercial
Le droit OHADA (Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement) prévoit des instruments civils et commerciaux pour régler les désaccords sur l’exécution de contrats, notamment l’injonction de payer et l’arbitrage. Au Gabon, ces litiges relèvent de la compétence du Tribunal de commerce.
En s’écartant de cette voie civile et commerciale au profit d’une procédure pénale, l’on s’expose à « instrumentaliser la justice pour des considérations étrangères au droit », explique le Dr. Aubiang Nzeh. Le choix de la voie pénale pour un différend de nature contractuelle est perçu comme une dérive politique.
Un signal négatif pour l’investissement
Le Dr. Aubiang Nzeh dénonce un « deux poids, deux mesures » : si une rigueur est nécessaire, elle devrait s’appliquer uniformément, d’autant plus que le Ministère de l’Économie a reconnu que plus de 93 % des contrats publics au Gabon sont passés sans appel d’offres.
Au-delà de l’individu, cette affaire met en péril la sécurité juridique des affaires du pays. Confondre droit public et droit commercial affaiblit la confiance entre l’État et les acteurs privés et décourage l’investissement.
Pour le spécialiste, la loi est claire et écarte le soupçon : « la rigueur du texte prime toujours sur les passions du moment. » L’expert conclut que la justice doit rester « l’instrument de la raison, du droit et de la vérité » et non l’arme de l’opportunisme.