Lors d’une conférence de presse tenue hier mardi à Libreville, il a dénoncé avec virulence un scrutin « bâclé » et entaché de « fraudes massives », affirmant que la CEEAC n’avait pas été à la hauteur de son rôle et tentait de se « rabibocher » avec les nouvelles autorités gabonaises au détriment de la population. L’opposant a réclamé l’annulation pure et simple des élections, appelant le gouvernement à « entendre raison » pour éviter une nouvelle crise de légitimité.
La CEEAC jugée sévèrement pour son silence et sa validation
L’une des critiques les plus virulentes d’Alain-Claude Bilie-By-Nze a concerné la Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC), qui a pourtant salué le déroulement du scrutin. L’ancien ministre des Affaires étrangères, qui a œuvré à la réforme de l’institution, s’est dit « un peu embarrassé » par la position de l’organisation.
« La CEEAC a manqué à l’occasion de sa grandeur », a-t-il affirmé, soulignant que l’institution n’a pas été vue sur le terrain. Il estime « curieux qu’une organisation sous-régionale aille à l’encontre de l’observation générale, y compris la société civile gabonaise, qui, pour une fois, a pris le courage de dénoncer des fraudes massives, irrégularités constatées à gauche et à droite. »
Pour Bilie-By-Nze, cette validation tiendrait d’une tentative de la CEEAC de se « racheter de sa position après le coup d’État » et de se « rabibocher avec les autorités gabonaises » en « prenant pour cela la population gabonaise en otage. » Il conclut que l’organisation n’est pas « dans son rôle de venir valider une élection aussi bâclée aux yeux de tous. »
Le Vice-Président « mal placé » et déconnecté de la réalité
Interrogé sur les déclarations du Vice-Président de la République, Séraphin Moundounga, affirmant que les élections s’étaient bien déroulées, l’ancien Premier ministre a dénoncé ses propos avec force.
« Pour ce qui est du vice-président, d’abord, je ne sais pas à quel titre il a parlé », a déclaré Bilie-By-Nze, s’interrogeant sur les prérogatives constitutionnelles du Vice-Président en la matière. Il a immédiatement ajouté que M. Moundounga est « mal placé pour en parler parce qu’il est partie prenante » et qu’il « n’est donc pas bien placé aujourd’hui pour incarner une institution. »
Faisant une allusion implicite aux parcours de certains acteurs politiques, il a déclaré que les propos du Vice-Président sont « totalement en dehors de toute réalité », ajoutant : « lorsque j’évoquais tantôt ce qu’hier disait tout va bien, je crois que chacun a bien suivi mon regard. Et de quelque côté qu’il soit, il dit toujours tout va bien. Et il prendra le temps ensuite de s’en aller quand viendra la catastrophe. »
Échanges avec Oligui Nguema : l’appel au report ignoré
Alain-Claude Bilie-By-Nze a également évoqué sa rencontre avec le Président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema, à la veille du scrutin, durant laquelle il avait demandé un report des élections.
« J’ai argumenté et il m’a dit qu’il a pris des engagements au niveau national et international et qu’il ne peut pas reporter », a rapporté l’opposant. Il a expliqué avoir insisté sur la nécessité d’avoir « une bonne élection, qu’on ait un parlement qui soit crédible et représentatif », rappelant que ce parlement a déjà été « rabaissé du fait de l’adoption de la nouvelle constitution. Si en plus, il devient un parlement illégitime… »
Le leader d’Ensemble Pour le Gabon avait alors concédé au Président qu’il avait déjà sa majorité, étant donné les investitures du PDG et de l’UDB, mais l’avait exhorté à « faire en sorte que les élections soient crédibles. »
Exigence d’annulation : « La seule décision qui s’impose »
« J’ai pas été entendu, on a le résultat », a-t-il déploré, avant de marteler sa position : « il faut annuler et les refaire en prenant le soin de bien préparer. »
« Ma responsabilité aujourd’hui est de demander au gouvernement d’entendre raison », a-t-il déclaré, ajoutant que « La seule décision qui s’impose, c’est d’annuler ces élections et de prendre le temps de bien faire. C’est tout à son honneur. »
Il a conclu par une mise en garde solennelle : « Ou il choisit d’écouter la voix de la population, ou la voix de la raison, ou il choisit de s’enfermer dans son choix. Et cela, on en connaît les conséquences. » Il a souligné qu’un « pouvoir qui est établi sur l’illégitimité ne peut pas prospérer. Un pouvoir qui est conçu sur le mensonge ne peut pas prospérer. »
Victoire de l’UDB : « portée par la machine de l’État »
Analysant la victoire annoncée de l’Union Démocratique des Bâtisseurs (UDB), le parti présidentiel, M. Bilie-By-Nze l’a jugée illogique. Il est impossible, selon lui, que ce parti « qui a 2 mois d’existence ne peut pas gagner des élections sans aucune structure. Il faut arrêter, ce parti a gagner aux élections portées par la machine de l’État ».
Selon lui, « même les vainqueurs supposés ont du mal à fêter leur victoire, tant la désolation est grande. »
Mise en garde contre les « marchands d’illusions »
Faisant un parallèle avec le régime déchu, Alain-Claude Bilie-By-Nze a lancé un avertissement au Président de la Transition : « Il faut reculer. Ayez le courage de reculer. N’écoutez pas ceux qui vous disent que tout va bien. Ils l’ont dit hier à Ali Bongo, où j’étais présent. Ils l’ont rassuré. Et ils ont été les premiers à fuir le pays quand ça a basculé. Et ils sont à nouveau à vos côtés. »
Il a insisté sur l’ampleur de la crise de confiance : « Il y a aujourd’hui un moment de bascule. Le peuple n’y croit plus. » Il a appelé à entendre « ce peuple qu’on empêche de manifester. Mais quand un peuple se tait, c’est que c’est la désespérance qui a pu le douce. »
Le cas d’Akanda : un « naufrage » de l’organisation
L’ancien Premier ministre a également mis en lumière le cas du candidat de l’Union Nationale dans le deuxième arrondissement d’Akanda, Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, dont la sortie médiatique musclée a contraint le ministre de l’Intérieur à revoir ses chiffres.
« Il est révélateur des incohérences », a-t-il dit, décrivant la scène où un candidat, muni de tous ses procès-verbaux, conteste les chiffres du ministère qui, « piteusement, sans même faire semblant d’attendre un recours », est venu corriger. Il a dénoncé un système où, « si tu n’as pas quelqu’un au sommet qui va prendre un coup de fil, appeler le ministère, c’est fini. » Pour Bilie-By-Nze, ce type d’incident est « un naufrage » et il faut « prendre la responsabilité de dire stop. »
Pour conclure, il a réitéré son appel à la raison : « on reconduit le parlement de transition et on prend le temps de bien organiser les élections pour que tout le monde soit satisfait et que le choix des Gabonais soit finalement reconnu. »