Si la rédaction a réorganisé son journal en deux parties pour une meilleure couverture de la campagne électorale – une première dédiée à l’actualité généraliste et une seconde à la politique – c’est cette dernière, d’une durée en moyenne de 20 minutes, qui suscite l’inquiétude. Elle est, de manière quasi exclusive, monopolisée par les activités de l’UDB et, plus rarement, de ses alliés, tandis que l’opposition et les candidats indépendants sont relégués aux abonnés absents.
Un parti présidentiel en majesté, une opposition invisible
La semaine analysée a offert un panorama édifiant de cette inégalité. Le lundi 8 septembre, sur quatre reportages politiques, trois étaient consacrés à l’UDB ou à l’ex-parti au pouvoir, le Parti Démocratique Gabonais (PDG). Les téléspectateurs ont ainsi pu suivre la sortie de la candidate de l’UDB pour le siège du 1er arrondissement de la commune de Lambaréné, Sidonie Madeleine, et les préparatifs de la visite du secrétaire général de l’UDB, Mays Mouissi, à Franceville. Un seul reportage a été alloué à un candidat indépendant pour le 1er arrondissement de Libreville, issu du mouvement La Majorité Bloquante, à cheval entre le pouvoir et l’opposition et lancé par le député de la transition Geoffroy Foumboula Libeka. La présentation officielle des candidats du PDG dans le 1er arrondissement de Makokou a également été couverte.
Le mardi, le JT a mis en vedette des ministres-candidats de l’UDB, à l’image de Maurice Ntossui Allogo. Un reportage a présenté un projet pilote agricole dans sa circonscription du département du Ntem, dans les cantons Koum, Kess et Mboa’a. La chaîne a également couvert une messe d’action de grâce en l’honneur de l’arrivée prochaine du secrétaire général de l’UDB dans l’Ogooué-Lolo, ainsi qu’une visite du candidat de l’UDB Eric Danny Mouelet aux chutes de Mbougou à Koulamoutou.
Le mercredi, l’UDB a encore occupé tout l’espace politique, avec des reportages sur une rencontre de sa diaspora au Maroc et sur des militants de l’UDB de la commune d’Owendo suivant le match des éliminatoires du prochain mondial entre les Panthères et les Éléphants de Côte d’Ivoire, un moyen subtil de lier le parti à la ferveur populaire.
Le jeudi, bien que l’actualité politique directe soit absente, le journal a continué de mettre en lumière des personnalités du sérail, en diffusant des reportages sur les actions caritatives de la fondation Ma Bannière de la Première Dame Zita Oligui Nguema, de la Seconde Première Dame Anoushka Avome Oligui Nguema, et de l’épouse du président de la Cour constitutionnelle de la transition, Nadine Aba’a Owono.
Le vendredi, c’est le couple Gondjout, figures de l’UDB, qui a dominé l’antenne. Le premier reportage a porté sur le soutien des jeunes du 1er arrondissement de Libreville à la candidature de Chantale Myboto, l’épouse du ministre de la Communication Paul-Marie Gondjout. Le second a suivi son époux, Paul-Marie Gondjout, candidat à Lambaréné, lors de la distribution de kits scolaires et de tables-bancs. Une brève déclaration du parti REAGIR, mené par François Ndong Obiang, allié du régime et dont les candidatures ont été invalidées, a également été diffusée. La chaîne a enfin couvert une distribution de kits scolaires par un autre candidat de l’UDB, Michel Poaty, dans le village Oyane 4, dans l’Estuaire.
Le samedi, l’Union Nationale, une ancienne formation de l’opposition désormais alliée au nouveau pouvoir, a eu droit à une couverture de la cérémonie de présentation de ses candidats. Ensuite, l’essentiel du temps est resté consacré aux autres figures du pouvoir, comme le candidat du PDG Fernand Ngoussi Mayang dans le département de Mouloundou, ou le meeting du bureau exécutif de l’UDB conduite par Mays Mouissi à la place de l’Indépendance de Franceville. La chaîne a également diffusé un reportage sur l’équipe de campagne du ministre à l’accès universel à l’eau et à l’énergie, candidat pour le compte de l’UDB au 1er siège de la Lopé.
Il est à noter que la rencontre du parti d’opposition Ensemble Pour le Gabon, à l’immeuble Gabon mining, à Libreville, dirigé par l’ancien Premier ministre Alain-Claude Bilie-By-Nze, qui avait pourtant présenté ses candidats le même jour, a été totalement ignorée par la chaîne publique.
Questions sur l’équité et l’éthique
Le bilan est sans appel : en six jours d’observation, le journal de 20h de Gabon 1ère n’a diffusé aucun reportage sur un candidat de l’opposition. En contraste, l’UDB et ses alliés ont bénéficié d’au moins 28 minutes d’antenne, une disproportion qui pose de graves questions sur l’impartialité de l’audiovisuel public.
Ce manque de pluralisme interpelle. Est-ce un cas d’autocensure par peur de représailles ? Une directive émanant des plus hautes sphères de l’État ? Ou un zèle démesuré de journalistes qui se montrent plus royalistes que le roi, malgré les engagements du président Brice Clotaire Oligui Nguema en faveur de la liberté de la presse ?
Dans une démocratie, un média public, financé par tous les contribuables, qu’ils soient partisans du régime ou opposants, se doit de garantir une information équilibrée et pluraliste. Si la ligne éditoriale d’un média privé peut légitimement défendre un camp politique, un tel comportement de la part d’un service public est non seulement inexplicable, mais également inacceptable.
À moins de deux semaines des élections législatives et locales, Gabon 1ère va-t-elle redéfinir sa ligne éditoriale afin de garantir un accès égal à son JT à tous les candidats, fussent-ils de l’opposition, afin de crédibiliser notre processus démocratique ? Réponse dans quelques jours.