Une transaction éclair après un coup d’État
Cette affaire démarre dans l’ombre du coup d’État du 30 août 2023, qui a renversé le régime d’Ali Bongo. Le nouveau président, le général Brice Clotaire Oligui Nguema, a affiché sa volonté de nationaliser les actifs d’Assala, au grand dam de la société indonésienne Maurel & Prom, qui était sur le point de les acquérir. Sans les fonds nécessaires, le Gabon s’est tourné vers l’international pour financer cette nationalisation, ouvrant la voie à des négociations secrètes.
Selon Africa Intelligence, l’un des moments clés de cette opération a été un dîner d’affaires discret le 25 janvier 2024 dans un hôtel parisien. Autour de la table : des représentants de Gunvor, dont Guillaume Letessier, directeur du développement pour l’Afrique, et un ancien vice-président gabonais, Pierre-Claver Maganga Moussavou, agissant avec un “mandat spécial” du président Oligui Nguema pour trouver des partenaires financiers.
Rendez-vous à Libreville et tensions internes
L’entremetteur de ce dîner, le consultant franco-marocain Mohamed Dagdag, est au cœur d’une controverse sur son rôle. Alors que Gunvor nie avoir fait appel à un agent ou un intermédiaire, des correspondances révèlent que la présidence gabonaise a invité les cadres de Gunvor à Libreville par son entremise. Pour se protéger, Gunvor a même fait signer à Mohamed Dagdag une lettre dans laquelle il déclare ne pas agir pour leur compte.
Le 13 février 2024, la délégation de Gunvor est reçue au Palais présidentiel avant de se rendre au siège de la GOC. L’accueil y est glacial. Le directeur général Marcellin Simba Ngabi, d’abord méfiant envers les traders occidentaux et la capacité technique de la GOC à opérer les actifs, finit par céder après des négociations serrées.
Un pari risqué
Le prêt de 1 milliard de dollars, gagé sur la commercialisation de la production d’Assala, n’est pas sans risque. La GOC a concédé à Gunvor l’exclusivité sur la vente des barils, mais des estimations internes de la compagnie gabonaise tablent sur une forte baisse de production. Bien que Gunvor se montre rassurant, la situation a suscité des inquiétudes en interne, d’autant plus que le prêt n’a pas été gagé sur d’autres actifs.
Cette affaire, marquée par des manœuvres de coulisses et des conflits d’intérêts, a déjà fait des victimes. Jade Touzni, un haut responsable de Gunvor, a été remercié pour avoir tenté d’impliquer un autre intermédiaire, le Camerounais René Awambeng.
La signature de l’accord a eu lieu à Paris le 21 juin 2024, mais l’histoire, mêlant politique, pétrole et finance, est loin d’avoir livré tous ses secrets.