Le putsch échoue, la répression s’abat
Le coup d’État militaire du 30 août 2023 a échoué. Le silence de la nuit est déchiré par les coups de feu. À trois heures du matin, quelques minutes après l’annonce de la victoire d’Ali Bongo Ondimba, la capitale s’embrase. Les Librevillois, d’abord descendus dans la rue pour exprimer leur colère, se terrent chez eux.
Deux camps s’affrontent : les loyalistes et les putschistes.
D’abord surpris par l’attaque, les forces restées fidèles au régime reprennent rapidement le contrôle. Au lever du jour, les rues de la capitale ne sont plus une scène de liesse, mais un champ de bataille jonché de cadavres de militaires et de civils. Le palais présidentiel, criblé de balles et éventré par les tirs de mortier, fume encore. Au siège de Gabon Télévision, des flammes s’échappent, témoignant de l’intensité des affrontements pour le contrôle de l’information.
Un nom circule déjà : le général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema. L’homme, patron de la Garde républicaine, est en fuite.
Le régime se venge
En début de soirée, Ali Bongo Ondimba apparaît à la télévision. Le visage grave, il s’adresse à la nation. Il salue la loyauté et la bravoure de l’armée qui a « déjoué le coup d’État et fait respecter l’ordre républicain ».
À l’encontre des putschistes, qu’il traite d’ennemis de la patrie et d’indignes, il promet que la justice sera impitoyable.
Quelques heures plus tard, le procureur de la République, André Patrick Roponat, mâchoires serrées, annonce à son tour les arrestations. Le principal auteur du putsch, Oligui Nguema, a été arrêté. Des images circulent en boucle à la télévision. On y voit l’auteur du coup d’État, le visage tuméfié, l’uniforme lacéré, les mains attachées. La voix à peine audible, il avoue sa mission de placer Albert Ondo Ossa au pouvoir.
Le journal pro-gouvernemental L’Union a fait sa une avec la photo du putschiste, le visage hagard, titrant : « L’ennemi de la patrie et de la démocratie ». Interrogé par Radio France Internationale, le Premier ministre Alain-Claude Bili a parlé de « criminels en treillis » qui avaient voulu mettre en péril la démocratie avec la complicité d’une opposition qui, sachant qu’elle avait perdu les élections, avait « risqué le tout pour le tout ».
Le pays bascule
La répression est sans merci. L’opposition est décapitée. Toutes les formations politiques de la coalition Alternance 2023 sont dissoutes. Alexandre Barro Chambrier et Albert Ondo Ossa sont arrêtés.
La presse aussi est purgée. Les locaux de Gabonreview sont mis sous scellés. Le directeur de publication, François Djimbi, est en fuite. Son seul tort : avoir publié un article prémonitoire intitulé : « Ali Bongo risque-t-il un coup d’État militaire dans un coup d’État électoral ? »
Les condamnations du coup d’État affluent. De nombreux acteurs politiques et religieux, y compris ceux qui se tairaient s’ils n’avaient rien à gagner, se précipitent pour jurer fidélité au régime. Le Conseil supérieur des affaires islamiques, l’Église évangélique et les Églises de réveil prient pour la paix et condamnent les putschistes. L’Église catholique, si elle n’a pas condamné les putschistes, elle appelle Ali Bongo au respect de la vie humaine et à tirer les leçons d’un processus électoral biaisé à l’origine du putsch.
À son tour, la présidente de la Cour constitutionnelle, Marie-Madeleine Mborantsuo, confirme la victoire d’Ali Bongo. Quelques jours plus tard, il prête serment pour un troisième mandat, entouré de ses alliés africains, venus pour l’occasion.
Une réalité différente, une leçon pour tous
Bien sûr, tout cela n’était qu’un cauchemar. Par bonheur, Dieu soit loué, le réveil a été brusque. Mais il faut toujours méditer sur ses rêves, car ils révèlent parfois de profondes vérités. La principale leçon de ce cauchemar, c’est que la grande majorité des personnes qui ont fait allégeance au nouvel homme fort du pays auraient été les mêmes qui l’auraient ouvertement condamné à la potence s’il avait raté son « coup de libération ». Le Gabon s’est libéré, mais à l’aune de ce scénario, on peut se demander si les mentalités ont, elles aussi, changé.
À méditer.