Par Guilou Bitsutsu-Gielessen
La piraterie maritime dans le golfe de Guinée représente une menace majeure pour la sécurité régionale, un problème qui s’est considérablement aggravé depuis le début des années 2010. Cette vaste étendue maritime, qui s’étire du Sénégal à l’Angola, est aujourd’hui reconnue comme l’une des zones les plus dangereuses au monde en raison de l’intensité des activités de piraterie. Stratégiquement cruciale pour le transit du pétrole, du gaz et d’autres marchandises vitales, elle attire inévitablement les groupes criminels.
Les racines de cette piraterie sont profondément ancrées dans des facteurs économiques et politiques complexes. La pauvreté généralisée et un chômage endémique sévissent dans de nombreux pays côtiers, créant un terreau fertile pour le crime organisé. La présence de groupes criminels et de mouvements militants, comme ceux opérant dans le Delta du Niger, exacerbe également la situation. De plus, la faible surveillance maritime des États de la région, souvent due à un manque criant de moyens, permet aux pirates d’opérer avec une relative impunité dans leurs eaux territoriales.
Les types d’attaques sont variés, allant de la piraterie classique, qui inclut des vols à main armée et des enlèvements de marins pour rançon, au détournement de navires entiers, en particulier les pétroliers. Les équipages sont fréquemment pris en otages, parfois retenus pendant de longs mois, soumettant les victimes et leurs familles à d’intenses souffrances. Les principaux foyers d’attaques se concentrent autour du Nigeria, notamment le Delta du Niger, mais aussi au Bénin, au Togo, au Ghana, au Cameroun, en Guinée équatoriale et au Gabon.
L’évolution récente montre un pic des attaques en 2020-2021, durant lequel le golfe de Guinée a concentré plus de 90 % des enlèvements en mer recensés mondialement, selon le Bureau Maritime International (BMI). Fort heureusement, une baisse significative est observée depuis 2022, un résultat direct des opérations anti-piraterie menées conjointement par les marines nigérianes et les forces internationales. Cependant, certaines zones demeurent très risquées, notamment les eaux nigérianes, béninoises et camerounaises. Le couloir maritime de Sao Tomé, avec la Guinée équatoriale, le Gabon et le Congo, constitue également des points de vulnérabilité persistants.
Mesures de lutte contre la piraterie et défis
Pour contrer cette menace, diverses mesures de lutte sont mises en œuvre. La coopération régionale est un pilier essentiel, bien que l’Accord de Yaoundé de 2013, visant à coordonner les efforts des pays du Golfe de Guinée, peine encore à atteindre sa pleine efficacité. Néanmoins, le déploiement de navires militaires et la mise en place de patrouilles mixtes, impliquant des pays comme le Nigeria, le Bénin, le Togo, le Ghana et la Côte d’Ivoire, contribuent à renforcer la sécurité maritime. Les interventions et la coopération internationales jouent également un rôle crucial, illustré par des initiatives comme EUCAP Nestor, une mission de l’Union européenne dédiée au renforcement des capacités locales. La présence occasionnelle de navires européens et américains dans la région vient compléter ces efforts. En parallèle, des stratégies privées sont adoptées, incluant l’armement des équipages et le recours à des sociétés de sécurité privées à bord des navires, bien que ces mesures soient soumises aux législations nationales.
Malgré cette diminution récente de la piraterie, la menace demeure palpable en raison des problèmes socio-économiques sous-jacents qui persistent. Une approche globale et durable est impérative, combinant de manière synergique la sécurité maritime, le développement régional et une lutte implacable contre la corruption.
La Marine nationale gabonaise face aux défis de la piraterie
La Marine nationale gabonaise, en première ligne pour la défense des eaux territoriales du pays, est chargée de la lutte contre la piraterie et de la sécurisation des précieuses ressources maritimes du Gabon. Cependant, ses moyens limités la rendent largement dépendante de la coopération internationale pour mener à bien ses missions. Son avenir et sa capacité à faire face efficacement à la piraterie sont intrinsèquement liés aux investissements futurs en matière de modernisation et de formation.
Actuellement, les effectifs de la marine gabonaise sont limités, ce qui la rend relativement petite comparée à d’autres forces navales de la région. Sa flotte principale, composée de patrouilleurs de type P400 (d’anciens navires français livrés dans les années 1980 et modernisés) et de vedettes rapides, est modeste et vieillissante. Elle présente des besoins urgents en modernisation pour s’adapter aux défis actuels.
Les défis et limites sont nombreux. Le vieillissement des équipements exige l’acquisition de nouveaux patrouilleurs et la modernisation des infrastructures existantes. La formation limitée du personnel entrave la maintenance des navires et la capacité à mener des opérations anti-piraterie en haute mer. Enfin, un budget restreint contraint le Gabon à dépendre en partie de l’aide internationale, notamment de la France et de l’Union Européenne, pour le financement de la formation et de l’équipement de sa marine.