Un engagement de longue date pour l’autosuffisance
La Dre Moukoumbi, également chargée de recherche CAMES et sélectionneure senior des plantes, a confié à notre rédaction les coulisses de cette aventure scientifique. “J‘ai créé le PNSAV-PS en 2008 et l’ai placé à l’Institut de recherche agronomique et forestière du Centre national de la recherche scientifique et technologique,” explique-t-elle. Les travaux concrets ont débuté en 2018, grâce à un financement de l’organisme intergouvernemental sud-coréen KAFACI. Initialement installée à Bizango, l’équipe a ensuite bénéficié du soutien du ministre de la Recherche Scientifique de l’époque, Jean de Dieu Moukagni-Iwangou, qui a permis l’acquisition d’un site de 10 hectares à Kougouleu, dont 3 hectares sont actuellement aménagés et exploités.
Des variétés locales adaptées et des innovations prometteuses
Depuis plus de sept ans, le programme se concentre sur le développement de variétés de riz à haut rendement, spécifiquement adaptées aux conditions pédoclimatiques du Gabon, notamment dans les régions de l’Estuaire et de Mouila (Ngounié). Ce travail rigoureux d’évaluation des rendements et de résistance aux parasites a porté ses fruits. “Nous sommes parvenus à sortir 5 lignées, dont deux riz blancs et trois riz noirs, qui sont soumises à l’homologation,” révèle le Dr Moukoumbi. Ces variétés ont subi des tests de DUS (Distinctness, Uniformity and Stability) pour leur spécificité, et de VAT (Valeur Agronomique, Technologique et Environnementale) pour leur performance.
En juillet 2024, des journées de dégustation ont été organisées pour recueillir les préférences des consommateurs gabonais, étape cruciale avant l’homologation officielle. Le ministère de l’Agriculture travaille actuellement à la publication de l’arrêté d’homologation, qui marquera la création du premier catalogue national des variétés de riz du Gabon.
Diversification et formation pour une filière rizicole complète
En parallèle du développement de variétés locales, le PNSAV-PS a intégré dans son catalogue six variétés importées, principalement des riz parfumés type basmati et une variété jasmin, issues de partenariats avec des instituts de recherche agricole renommés comme l’ISRA (Sénégal), l’INERA (Burkina Faso) et l’IER (Mali). L’objectif est d’offrir aux consommateurs gabonais des riz de qualité supérieure.
Consciente de l’enjeu majeur de l’autosuffisance, la Dre Moukoumbi met l’accent sur la formation. “Nous avons commencé la formation de jeunes Gabonais. Une première cohorte de 38 personnes a été financée par l’Association des jeunes fonctionnaires et stagiaires du Japon. Nous avons également formé au lycée technique de Bikélé aux méthodes de riziculture,” souligne-t-elle.
Le programme vise à mettre en place une filière semencière complète, de la production de semences de qualité à leur distribution aux producteurs formés. Dans cette optique, le ministère de l’Agriculture a octroyé un périmètre à Bikélé pour l’installation d’un pôle rizicole. Ce pôle accueillera les Gabonais désireux de se lancer dans la riziculture, avec l’ambition de créer une activité génératrice de revenus et de promouvoir l’employabilité des jeunes et des femmes.
L’Oscar ALOPPHEIR 2024 vient couronner cette démarche scientifique rigoureuse et cette vision holistique du Dr Moukoumbi Yonnelle Déa, qui s’impose comme un exemple inspirant pour l’avenir de l’agriculture gabonaise.
Cependant, alors que le gouvernement a annoncé à l’issue du Conseil des ministres du vendredi 30 mai 2025, la création d’un Fonds Stratégique Agricole (FSA) qui aura pour mission de catalyser les investissements dans l’agriculture, de créer des emplois durables et de structurer de nouvelles chaînes de valeur, ce nouvel outil permettra-t-il d’accélérer la révolution rizicole tant attendue au Gabon ?