Les chiffres contenus dans la note ministérielle sont éloquents et illustrent l’ampleur du problème. Entre 2013 et 2025, la dépense annuelle de l’État pour les loyers administratifs est passée de 6,7 milliards FCFA à plus de 25 milliards FCFA, soit un bond vertigineux de 37,48 % par an en moyenne. Cette flambée des coûts s’est accompagnée d’une dette cumulée de plus de 67 milliards FCFA, dont 28,3 milliards d’arriérés de paiement, pesant lourdement sur les finances publiques.
Dans sa correspondance adressée aux directeurs généraux du Trésor, du Patrimoine, du Budget, et du Contrôle budgétaire et financier, Henri-Claude Oyima pointe du doigt plusieurs causes de cette dérive. Parmi elles, la création anarchique d’entités administratives, l’absence de financement pour la réhabilitation des bâtiments publics existants, le manque criant de nouvelles constructions, ou encore la destruction de la Cité de la démocratie, qui abritait autrefois plusieurs institutions internationales, sont clairement identifiées comme des facteurs aggravants.
Le ministre dénonce également une “gestion peu orthodoxe des budgets alloués”, qui aurait contribué à une inflation incontrôlée des loyers. Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’un encadrement strict des prix est pourtant en vigueur, avec des plafonds fixés à 15 000 FCFA/m² à Libreville et 500 000 FCFA TTC pour les logements, selon le décret n°0095/PR/MBCP du 15 avril 2021. Ce même décret interdit formellement toute location si un bâtiment public est disponible.
En attendant un audit complet et en profondeur sur les conditions d’attribution, de renouvellement et de conformité des contrats en cours, tous les traitements et paiements sont gelés. Cette mesure forte vise à faire la lumière sur d’éventuelles irrégularités, telles que les surfacturations, les contrats sans base légale ou les loyers abusifs.
Parallèlement à cette suspension, le gouvernement entend accélérer la réhabilitation du patrimoine immobilier de l’État. Plus de 400 immeubles sont actuellement en cours de rénovation à Libreville, tandis qu’un ambitieux projet de Cité administrative à Plaine-Orety a été lancé. Ce projet d’envergure a pour objectif de regrouper les services de l’État en un seul lieu, réduisant ainsi considérablement sa dépendance locative.
Avec cette décision, Henri-Claude Oyima engage une réforme de rupture, marquant une volonté ferme de rétablir la rigueur budgétaire dans un contexte de forte tension sur les finances publiques. Il attache, selon ses propres mots, “du prix au respect scrupuleux” de ses instructions.
Cette initiative s’inscrit dans une série de mesures récentes prises par le ministre pour assainir les finances publiques, notamment la suspension des missions et formations du personnel de son ministère le 9 mai dernier, et l’exigence de reddition de comptes aux sociétés d’État et à celles à participation financière publique le 16 mai.